Jean-Michel Bouhours, chargé du projet muséographique du futur musée, présente
les collections hétéroclites de l’institution qui devrait voir le jour vers 2010.
MONACO - Il y a quelque chose d’excitant à déambuler dans ce qui pourrait être l’esquisse d’un musée, en tout cas une collection en cours de constitution. C’est précisément ce que donne à voir l’exposition de préfiguration du Nouveau Musée national de Monaco (NMNM) baptisée « Acte I. Pour un nouveau musée ». De plusieurs collections hétéroclites n’en former qu’une, forcément pluridisciplinaire, tel est l’objectif que s’est fixé son commissaire, Jean-Michel Bouhours, conservateur en chef chargé depuis octobre 2003 du projet muséographique du futur musée. L’exercice n’est pas des plus aisés, car quatre ensembles distincts ont été réunis pour l’occasion : le fonds de l’ancien Musée des beaux-arts – fermé en 1958 –, les acquisitions faites par l’État depuis une quinzaine d’années, un lot de 4 500 costumes de scène et 2 500 accessoires des principaux spectacles de l’Opéra de Monte-Carlo, donnés par la Société des bains de mer, et enfin, les acquisitions récentes. L’exposition ne peut donc pas être linéaire. « Elle se déroule, en fait, un peu comme dans un film, avec des ellipses dans le temps, des flash-back, des raccords et des faux raccords », explique Jean-Michel Bouhours, qui fut, avant son arrivée en principauté, responsable du service cinéma au Musée national d’art moderne/Centre Pompidou. Au total donc, quelque 250 pièces qui lorgnent, peu ou prou, vers les arts du spectacle.
S’affichent, évidemment, des artistes résidant ou ayant résidé sur le Rocher, tels Valerio Adami ou Kees van Dongen, qui vécut à Monaco dans une villa ironiquement baptisée… « Le Bateau-Lavoir », et dont on peut voir, notamment, ce portrait de Mademoiselle Geneviève Vix dans le rôle de Salomé. Mais l’exposition balaie l’histoire tous azimuts : la mutation urbanistique de ce territoire singulier du XVIIIe siècle à aujourd’hui, l’art moderne (Monet, Picabia, Van Dongen, Vlaminck…), les Ballets russes et le tribut des avant-gardistes aux arts du spectacle (Picasso, Dalí…), les Ballets de Monte-Carlo, enfin, l’art d’après guerre et contemporain (Takis, Monory, Mathieu, Boltanski, Gina Pane…).
La Salle d’exposition du quai Antoine-Ier est un espace à l’architecture intérieure plutôt ingrate, qu’une scénographie judicieuse parvient en partie à faire oublier, n’étaient-ce les plafonds, bien pesants. Si le début de l’exposition, historiciste, est un peu faible (paysages pittoresques…), une cohérence se dessine, par la suite, avec de réelles surprises. On se régale à la vue des costumes des Ballets de Monte-Carlo, comme celui de L’Arithmétique dans « L’Enfant et les sortilèges », chasuble décorée de chiffres avec manchettes kimono, ou encore ces parures décidément très modernes que sont, dans « Casse-Noisette », la salopette du Conseiller et la robe de sa femme, sortes de panoplies de Bibendum faites de boudins rembourrés de paille. Autre temps, autre vision : celle de Nancy Wilson-Pajic qui livre, ici, deux photogrammes étonnants sur le thème du costume.
L’ultime section, intitulée « art contemporain », est la partie la plus ambitieuse, en particulier lorsqu’elle met en regard œuvres d’art et costumes de scène. Ainsi, ces deux pièces de Rebecca Horn – Weisser Köperfächer (éventail corporel blanc), photographie en noir et blanc, et Libelle, installation constituée de plumes mues par un moteur électrique – côtoient un costume de paon en satin de soie et un pourpoint en plumes de faisan, attribué au spectacle « Sniégourka ». S’y détachent aussi moult travaux sur le corps en mouvement, telle cette vidéo d’Ange Leccia, Répétition, tournée au cours d’une création chorégraphique des Ballets de Monte-Carlo.
À l’entrée de l’exposition, comme un clin d’œil amusé à cet art de la parure cher au monde du spectacle, Michel Blazy a réalisé une œuvre in situ : d’un côté, un squelette humain conçu en biscuits pour chien ; de l’autre, une fausse peau d’ours constituée d’un support en coton recouvert de… crème au chocolat. Bref, cet « Acte I » laisse augurer de beaux lendemains.
Ne reste plus qu’à trouver un lieu… Philippe Deslandes, conseiller du gouvernement pour l’Intérieur, avance déjà « une surface de 10 000 m2 », dont une moitié serait dévolue au musée proprement dit. On parle d’un « bâtiment neuf » et du désir d’attirer, sur le Rocher, quelque pointure de l’architecture mondiale. Un quartier de Monaco est même pressenti, dans la zone dite « du Jardin exotique ». Mais la décision dépend en grande partie de la volonté des instances de reconfigurer, ou non, cette partie de la ville. Le cas échéant, le NMNM pourrait ouvrir en 2010. C’est du moins la date sur laquelle table Jean-Michel Bouhours, si tout se passe comme prévu.
Jusqu’au 27 février, Salle d’exposition, 4, quai Antoine-Ier, Monaco, tél. 377 93 50 03 16, tlj 12h-19h, sauf lundi et mardi. L’exposition sera ensuite présentée, du 27 mai au 10 juillet, au Palazzo Ruspoli, à Rome.
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Monaco esquisse son musée
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°207 du 21 janvier 2005, avec le titre suivant : Monaco esquisse son musée