Après un an aux Arts décoratifs (Paris), Loucia Carlier part en échange à l’Ecal (Lausanne), où elle intègre le parcours « Arts visuels ».
Elle y restera jusqu’à l’obtention de son diplôme en 2017, puis deux ans supplémentaires en tant qu’assistante du master. De retour en France, elle est lauréate de la septième Bourse Révélations Emerige, et bénéficie dans ce cadre d’un atelier à Paris pendant un an, d’une dotation de 15 000 euros et d’une exposition personnelle à la Galerie Art : Concept en 2021. Parmi les onze artistes nommés, dont les travaux ont été réunis dans l’exposition « Un monde à votre image » à la Villa Emerige (Paris) à l’automne 2020, le jury a choisi de récompenser un travail singulier et affirmé mêlant sujets contemporains et techniques ancestrales.
Dans ses installations, sculptures et tableaux, Loucia Carlier utilise des matériaux considérés comme « pauvres », tels que le similicuir ou le polystyrène. Attachée à la dimension artisanale de son travail, elle recourt à des techniques de transfert (gaufrage, impression…) et accorde une importance particulière au traitement de la surface, « en creux et en bosse », ainsi qu’aux couleurs, volontairement ternes. Jouant des codes du design industriel, elle n’exclut pas la dimension fonctionnelle et brouille les frontières entre esthétique primitive et technologique. Tels des « cadavres exquis » visuels, ses œuvres déploient un univers dystopique mêlant de multiples strates, références et symboles – recherche scientifique, folklore médiéval, imagerie populaire ou science-fiction. Sans « velléité ni archéologique ni historiciste », il s’agit pour elle de « produire une approche horizontale, de créer une compression du temps [en passant] des bribes d’histoire au rouleau compresseur et ainsi créer de nouvelles narrations ». La subtilité de son travail réside dans la pluralité de niveaux de lecture qu’offrent ses œuvres, grâce, notamment, à un habile équilibre entre profondeur conceptuelle et instantanéité d’appréhension. Elle dit en ce sens vouloir « se raccrocher à une certaine frontalité », comme le montre par exemple Untitled (The Tables Are Turned), dont la forme de moulin est immédiatement saisissable, tandis que les références et symboles apposés se décryptent par un temps plus long d’observation. La stratification et l’hybridation à l’œuvre permettent à Loucia Carlier de « réinjecter du temps, redonner de la matière, une forme palpable, aux flux d’informations, d’images et de savoirs instantanés », pour les rendre « infinis ».
Ces flux, elle les explore également avec le magazine Klima, dont elle est cofondatrice et chargée de la sélection des artistes. Pensée comme un pont entre la recherche universitaire et la création contemporaine, cette publication annuelle exigeante propose une « réflexion collective » et transversale sur une thématique actuelle (science-fiction, écologie…). Stimulante et complémentaire, cette activité lui permet de « se détacher de [sa] propre pratique, d’aller vers celle des autres », et ainsi « prendre du recul et enrichir [son] propos ».
Grâce à la Bourse Révélations Emerige, Loucia Carlier souhaite poursuivre ses explorations des techniques de l’empreinte, peut-être travailler de nouveaux matériaux ou introduire le mouvement dans ses pièces… Dans une démarche perpétuellement autoréflexive, la plasticienne ne se ferme aucune porte !
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Loucia Carlier
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°741 du 1 février 2021, avec le titre suivant : Loucia Carlier