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Les lauréates du Prix Marcel Duchamp

Par Marie Zawisza · L'ŒIL

Le 23 septembre 2014 - 1094 mots

Deux fois moins nombreuses que leurs homologues masculins, les quatre lauréates du Prix Marcel Duchamp attirent l’attention des galeries et des collectionneurs français et étrangers.

Chaque année, pendant la Fiac, l’Association pour la diffusion internationale de l’art français (Adiaf) annonce le lauréat du Prix Marcel Duchamp. L’an dernier, ce fut Latifa Echakhch. La voici donc invitée par le Centre Pompidou, associé au prix depuis sa création en 2000, pour une exposition personnelle de trois mois cet automne. L’Adiaf lui a remis une dotation de 35 000 euros et a participé à la production de son exposition à hauteur de 30 000 euros. « Il faut absolument réussir l’exposition du Centre Pompidou », souligne Kamel Mennour, galeriste de la lauréate. Le but du Prix Marcel Duchamp lancé par l’Adiaf – association de quelque 300 collectionneurs – est en effet de « servir de tremplin pour une carrière internationale à des artistes de la scène française », indique Gilles Fuchs, son président. Reste que, comme sur l’ensemble du marché de l’art [lire pages précédentes], les artistes femmes n’y ont pas la même importance que leurs homologues masculins : depuis 2000, seules quatre femmes ont été lauréates – Dominique Gonzalez-Foerster (2002), Carole Benzaken (2004), Tatiana Trouvé (2007), Latifa Echakhch (2013) –, contre neuf hommes. Même si l’Adiaf se défend de toute discrimination – « Nous ne parlons jamais du sexe des artistes dans les délibérations », insiste Gilles Fuchs –, il n’empêche : aucune femme n’est nommée pour l’édition du Duchamp 2014 dont on connaîtra le lauréat le 25 octobre. Pour nommer ces quatre artistes, l’Adiaf a demandé, comme chaque année, à ses 300 collectionneurs d’indiquer des noms d’artistes qui leur semblent intéressants. « Nous recevons en moyenne 150 réponses, parmi lesquelles nous éliminons les noms proposés moins de deux fois », avance Gilles Fuchs. Puis, un comité de sélection constitué de onze membres de l’Adiaf, dont neuf sont renouvelés chaque année, examine les dossiers pour nommer quatre artistes. Les critères de sélection ? La qualité du travail et la visibilité – le prix étant décerné à des artistes en milieu de carrière. Enfin, chacun des artistes retenus sera défendu par un rapporteur devant le jury, composé d’experts dont les avis font autorité dans le monde de l’art contemporain (conservateurs, critiques, collectionneurs). « Le Prix Marcel Duchamp permet aux lauréats de travailler plus, à plus grande échelle. Et c’est un label pour les collectionneurs français et étrangers », indique Jean-Olivier Despres, directeur de la galerie Gagosian à Paris.

Dominique Gonzalez-Foerster, vers l’international
Ce néon fait référence à Exotourisme, le film et l’installation immersive conçus par Dominique Gonzalez-Foerster pour le Centre Pompidou dans le cadre du Prix Duchamp. « Cette œuvre extraordinaire a accru une visibilité déjà importante à l’époque », observe la directrice de la Fiac Jennifer Flay, qui était alors sa galeriste. Le prix a aussi permis d’investir pour produire de nouvelles pièces. « Il ouvre les portes des institutions internationales et des biennales – ce qui impacte la cote de l’artiste », analyse Stefanie Lockwood, directrice de la galerie Esther Schipper à Berlin, qui soutient l’artiste depuis 1990. Exposée à la Tate Modern en 2008, cette dernière vient de faire une première exposition solo très remarquée à la 303 Gallery, à New York. Elle n’est plus représentée en France. Ses pièces valent aujourd’hui entre 35 000 et 135 000 €.

Carole Benzaken, une croissance continue
Ce tableau de Carole Benzaken, Western, fut acheté en 2003 par la Société des amis du Musée national d’art moderne pour en faire don au Centre Pompidou – un an avant son Prix Marcel Duchamp. « Sa carrière était construite. Elle a toujours intéressé les collectionneurs, dès sa première exposition, en 1993 », indique sa galeriste Nathalie Obadia. Le Prix Duchamp a cependant constitué un label pouvant rassurer de nouveaux collectionneurs et a permis de vendre davantage. Il a également fait légèrement augmenter ses prix. « Ils ont crû de façon régulière, de 5 à 10 % par an, tout au long de sa carrière », indique Nathalie Obadia. Aujourd’hui, une œuvre vaut entre 15 000 et 40 000 €.

Tatiana Trouvé chez Gagosian
Ce dessin monumental de Tatiana Trouvé est proposé par la galerie Gagosian. En 2010, cette puissante galerie présentait, à New York, une exposition personnelle de l’artiste. Exposée au Centre Pompidou en 2008 dans le cadre du Prix Duchamp, Tatiana Trouvé (représentée en France par Perrotin) a multiplié les expositions internationales. « Le Prix Duchamp a été un excellent catalyseur. L’exposition à Pompidou est un coup de projecteur très puissant sur la génération montante. Après 2007, Tatiana Trouvé a pu faire des œuvres plus ambitieuses », souligne Jean-Olivier Despres, directeur de la Galerie Gagosian à Paris.

Latifa Echakhch, retour au pays
À chaque stencil une révolution a été présenté entre autres à la Tate Modern en 2008, à Art Basel-Art Unlimited en 2010, au MACBA à Barcelone en 2012, au Hammer Museum de Los Angeles en 2013… « En 2013, Latifa Echakhch était déjà très identifiée à l’international. Je dirais que le Prix Marcel Duchamp a surtout permis le retour au pays de l’enfant prodigue », explique Kamel Mennour, son galeriste depuis 7 ans. Le prix de ses œuvres n’a pas été augmenté à la suite du Prix Duchamp. La lauréate est exposée au Centre Pompidou du 8 octobre au 26 janvier 2015. Prix d’une œuvre de Latifa Echakhch : de 10 000 à 60 000 €.

Questions à…
Kamel Mennour, galeriste

Le Prix Marcel Duchamp bouleverse-t-il à votre avis la carrière des lauréat(e)s ?
Non. Il souligne un parcours et permet en effet d’être plus identifié, mais il ne change pas la donne et n’est pas un aboutissement. Cela dit, l’exposition au Centre Pompidou est en effet un tremplin formidable. Elle permet de développer des relations. Il faut absolument la réussir.
Ce prix a-t-il un impact immédiat sur le prix des œuvres du lauréat ? Pas vraiment. Il ne s’agit surtout pas pour un galeriste d’augmenter subitement les prix : une carrière doit se mener avec réflexion, avec une vision sur le long terme.
Revêt-il une importance particulière pour les femmes, qui sont encore souvent moins visibles que les hommes sur la scène artistique ? Je ne le pense pas. Camille Henrot, qui avait été nommée, n’a pas eu le prix et, pourtant, elle a complètement explosé depuis ! Pour ma part, j’accompagne beaucoup d’artistes femmes et je tiens ma galerie pour une galerie de filles. Je trouve qu’elles ont vraiment quelque chose à dire. J’aime leur rapport à l’adversité. Peut-être s’y révèlent-elles encore plus singulières…

Le nom du lauréat du Prix Marcel Duchamp 2014 sera annoncé à la Fiac le 25 octobre. www.adiaf.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°672 du 1 octobre 2014, avec le titre suivant : Les lauréates du Prix Marcel Duchamp

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