L’exposition « Beyond Geometry » remet en perspective les travaux des artistes d’Amérique latine et d’Europe face à l’Art minimal américain.
MIAMI - Paris, New York, Berne… Les photos souvenirs de projets réalisés dans l’espace public par Daniel Buren défilent sur un moniteur. Nous ne sommes pas au Solomon R. Guggenheim Museum de New York (lire p. 16-17), mais au Miami Art Museum. Ce musée de Floride présente en effet actuellement une exposition absolument majeure par sa relecture de l’art des années 1940 à 1970 dégagée pour la première fois de tout américano-centrisme. Conçue par Lynn Zelevansky, conservatrice à la tête du département d’Art moderne et contemporain du Los Angeles County Museum of Art (Lacma), la manifestation a été présentée au musée californien de juin à octobre 2004. À Miami, elle se déploie sur un seul plateau ouvert autour d’un escalier central. L’espace de ce musée pourtant récent n’est pas forcément idéal, avec son sol recouvert de moquette, mais il permet de confronter de façon inédite outre-Atlantique les recherches menées dans l’après-guerre aux États-Unis, en Amérique latine et en Europe par quatre-vingt-cinq artistes, ici représentés par plus de cent vingt œuvres.
L’exposition est construite autour de thèmes qui permettent à chacun d’explorer l’évolution de l’art géométrique dans le sens large du terme. Le premier retrace l’abstraction des années 1940-1950, avec des artistes tels que François Morellet, Lygia Clark ou Ellsworth Kelly, même si la généalogie est en réalité bien plus ancienne. Ainsi De Stijl a été déterminant pour l’Art concret. L’un des plus éminents représentants de ce dernier mouvement, Max Bill, est présent à Miami avec une sculpture en acier de 1948-1949, Tripartite Unity, qui lui permit de remporter le premier prix de la Biennale de São Paulo, au Brésil. L’œuvre est prêtée par le Musée d’art contemporain de l’université de la ville. Cette provenance n’est pas fortuite tant le Suisse a influencé de nombreux artistes en Amérique du Sud, au rang desquels figure le groupe Madí,à l’exemple de Carmelo Arden Quin ou bien de Gyula Kosice.
Pour souligner l’importance de la phénoménologie, la section intitulée « L’objet et le corps » présente des travaux Lucio Fontana, Cildo Meireles, Robert Morris, Eva Hesse ou Hélio Oiticica. Le Brésilien, danseur de samba qui n’abandonna jamais un art géométrique inspiré du constructivisme, est très bien représenté dans l’exposition avec une demi-douzaine d’œuvres remarquables. L’Op Art et l’Art cinétique ont évidemment une place centrale, avec des artistes tels que Bridget Riley, Gego ou Jesús Rafael Soto (« Lumière et mouvement »), tandis que la question de la sérialité (« Répétition et sérialité ») est abordée via Lygia Pape, Sol LeWitt ou Carl Andre. « L’objet redéfini » élargit le spectre de l’abstraction en s’ouvrant aux performances ou au land art et accueille Piero Manzoni, Hans Haacke, John Baldessari ou Dennis Oppenheim. Enfin, la dernière partie de l’exposition s’attache au « Problème de la peinture » à travers les travaux de Blinky Palermo, Roman Opalka ou Robert Ryman.
Prisme hégémonique
L’exposition, qui réserve quelques belles séquences, offre également des rapprochements inattendus, et parfois des raccourcis qui peuvent paraître un peu trop rapides. Elle offre en tout cas une perspective nouvelle aux États-Unis, celle d’un art d’après-guerre global, dont les recherches les plus pointues sont aussi à chercher du côté de l’Amérique latine et de l’Europe, et qui ne se limite pas aux seuls représentants de l’Art minimal. Un constat éclatant qui a fait titrer à propos de cette exposition le New York Times : « Modernism wasn’t so American after all » (le modernisme n’était pas si américain après tout) ! Si elle va dans la bonne direction en relisant l’histoire récente de l’art en dehors du prisme hégémonique américain, l’exposition omet pourtant des figures majeures comme Aurelie Nemours, ou est très faible pour l’art suisse, pourtant essentiel quand on aborde la question de l’art construit. Il suffit pour s’en convaincre de poursuivre la visite à l’Espace de l’Art concret de Mouans-Sartoux cher à Gottfried Honneger !
Jusqu’au 24 avril, Miami Art Museum, 101 West Flager street, Miami, Floride, tél. 1 305 375 3000, www.miamiartmuseum.org, tlj sauf lundi, 10h-17h, 12h-17h le week-end.
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Les États-Unis révisent leur hégémonie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°212 du 1 avril 2005, avec le titre suivant : Les États-Unis révisent leur hégémonie