WASHINGTON / ETATS-UNIS
Le sculpteur Martin Puryear (77 ans) représentera les Etats-Unis à la Biennale de Venise 2019.
Evoqué depuis quelques jours dans la presse américaine, notamment par le critique d’art du New York Magazine Jerry Saltz, le nom de l’artiste représentant les Etats-Unis à la Biennale de Venise d’art contemporain 2019 n’a été officiellement confirmé que mercredi 15 aout : il s’agit du sculpteur afro-américain de 77 ans, Martin Puryear. Le New York Times précise que le commissariat a été confié à Brooke Kamin Rapaport, directeur adjoint du Madison Square Park Conservancy qui invite chaque année un artiste contemporain à exposer dans le jardin.
Les Etats-Unis ont inhabituellement tardé à annoncer l’artiste. Les artistes des quatre éditions précédentes, Mark Bradford en 2017, Joan Jonas en 2015, Sarah Sze en 2013 et Bruce Nauman en 2011, avaient été connus entre janvier et mars de l’année précédant la manifestation. Cela leur permettait de créer et réaliser un projet artistique nouveau, qui réponde aux contraintes fixées par l’espace d’exposition du pavillon américain, structure de style palladien comportant quatre galeries réunies par une rotonde centrale.
Compte tenu des enjeux politiques liés à ce choix et des processus officiels de sélection, il ne paraît pas surprenant que la tâche ait été compliquée à l’ère de l’administration Trump. Le site Artsy explique que le comité en charge de la sélection pour la Biennale de Venise est constitué d’universitaires et artistes invités par le National Endowment for the Arts (NEA). Or, cette agence fédérale indépendante a rencontré de nombreuses difficultés ces derniers mois, en raison de la volonté affichée du président américain de lui porter atteinte par le biais de coupes budgétaires auxquelles le Sénat s’est malgré tout opposé mais également à travers le jeu de nominations de nouvelles têtes influentes sélectionnées par Trump en juillet dernier.
Si ce sont les membres du comité de sélection qui retiennent une candidature, parmi toutes celles soumises par des commissaires présentant un artiste et le projet qu’il compte mener pour la manifestation, c’est le Département d’Etat (équivalent du Ministère des Affaires étrangères) qui prend la décision finale. Plus précisément, c’est le bureau de l’Education et des Affaires culturelles au sein du Département d’Etat qui tranche, mais également subventionne la participation américaine à la Biennale, à hauteur de 375 000 dollars. Des financements extérieurs peuvent s’ajouter à cette somme, provenant en particulier de la fondation Solomon R. Guggenheim qui possède depuis 1986 le pavillon détenu autrefois par le MoMA.
En mars dernier, le sous-secrétaire à la tête de ce bureau de l’Education et des Affaires culturelles, Steve Goldstein, considéré comme anti-Trump, a été démis de ses fonctions par le président. Heather Nauert, ancienne journaliste de ABC News et Fox News, proche de Donald Trump, occupe actuellement le poste de sous-secrétaire par intérim. En définitive, il semble donc très probable que les multiples changements au sein du NEA comme du Département d’Etat aient pu affecter le processus de sélection cette année.
Conduite par deux organes politiques au sein desquels tensions et gestes diplomatiques coexistent, la sélection est d’autant plus délicate que des exemples passés ont montré la portée politique que pouvait prendre le choix des artistes. En 1964, le prix attribué au jeune Robert Rauschenberg avait suscité de nombreuses réactions, allant des allégations d’intervention de la CIA aux accusations de manoeuvres par son galeriste new-yorkais Leo Castelli.
La sélection du sculpteur Martin Puryear paraît un choix réfléchi et mesuré. L’artiste est une figure largement reconnue : il a reçu en 2011 la médaille nationale des arts des mains du président Obama, le MoMA lui a consacré une grande rétrospective en 2007. Les œuvres de Puryear mêlent une esthétique proche du minimalisme et un goût prononcé pour les techniques artisanales traditionnelles et le travail des matériaux bruts comme le bois, le métal ou la pierre.
Ses œuvres souvent monumentales interrogent subtilement l’histoire des Etats-Unis et en particulier des populations afro-américaines. En témoignent Ladder for Booker T. Washington qui évoque le parcours de l’écrivain et militant, premier invité afro-américain par un président à la Maison Blanche. La sculpture en métal noire Shackled fait allusion aux menottes portées par les esclaves sur les bateaux négriers.
Il reste désormais moins d’un an à Martin Puryear pour réaliser son projet.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Les Etats-Unis annoncent enfin leur artiste pour la Biennale de Venise
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €