Où vont les arts numériques ? Rien de tel qu’un prix pour esquisser quelques réponses. Le 25 novembre, le Cube à Issy-les-Moulineaux propose ainsi pour la deuxième année consécutive un focus sur la jeune garde de la scène contemporaine internationale en primant un artiste numérique de moins de 36 ans. L’occasion pour L’Œil, partenaire de l’événement, de faire le point sur l’évolution d’un champ créatif marqué par son foisonnement.
Si les six nominés du prix Cube confirment l’interactivité et le génératif comme les principaux ressorts mobilisés par les artistes numériques, le constat qui s’ébauche au contact de leurs œuvres est celui d’un subtil chassé-croisé. Les pièces retenues par le prix Cube se distribuent en effet grosso modo en deux catégories. D’un côté, celles qui esquissent l’image d’une technique (le numérique) en proie à l’entropie. Dans User Generated Server Destruction, l’Autrichien Stefan Tiefengraber invite ainsi le public à décider du devenir de l’œuvre : en se connectant au site www.ugsd.net, le visiteur se voit proposer d’actionner en temps réel trois paires de marteaux. S’il clique, l’une des paires retombe sur le serveur hébergeant le site et menace de le détruire. La seule manière de préserver le dispositif devient alors d’en refuser l’interactivité en s’abstenant de toute action. Dans une veine proche, le Russe Dmitriy Morozov propose, dans le cadre du projet VTOL, de subvertir l’univers des codes-barres pour transformer ces icônes du consumérisme contemporain en œuvres d’art abstraites uniques au format carte postale. Objet sonore et visuel, Post Code oppose de la sorte au formatage technologique une esthétique du bug et de l’accident.
Chez les autres nominés du prix Cube, cette vision dégradée du monde digital cède devant les potentialités offertes par l’hybridation avec le vivant. Fascinée de longue date par les grains de beauté, l’Allemande Theresa Schubert en fait le support d’une cartographie interactive du corps humain calquée sur l’apparence et le développement des myxomycètes.
Le biomimétisme est aussi au fondement de Seventeen de son compatriote Nils Völker : conçue à partir d’une succession de coussins en Tyvek, un tissu synthétique, et suspendue au-dessus des visiteurs, l’installation imite la lente respiration d’un organisme animé. De cette proximité entre le vivant et la machine, les Français Lia Giraud et Alexis de Raphélis font le point de départ d’une subtile mise en abyme. Immersion se donne en effet pour un dispositif capable de générer des images « vivantes ». Retraçant la vie d’Hidetoshi, quadragénaire japonais qu’un lent parcours initiatique amènera à prendre conscience de son « devenir-algue », le film qui constitue le cœur de l’installation est généré par le Temporium, un laboratoire où le mouvement de micro-algues permet de fixer la durée des plans.
Dans tous les cas, un floutage s’opère entre vivant et monde digital, entre réel et virtuel. En ce sens, Daydream V2 du studio franco-japonais Nonotak peut être tenu pour la synthèse des autres œuvres nominées du prix Cube : en plongeant le corps du spectateur dans un espace architectural hypnotique fait d’influx lumineux, cette installation suggère que la vocation des arts numériques est bel et bien de brouiller les frontières et faire perdre tous ses repères au spectateur, à l’image d’un monde où les techniques tendent à s’hybrider toujours plus…
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Le prix Cube 2014
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°674 du 1 décembre 2014, avec le titre suivant : Le prix Cube 2014