Les historiens ne parviennent pas aisément à dater la naissance de la notion de droit d’auteur, d’autant qu’elle fut longtemps indissociable d’autres considérations, à commencer par le droit de reproduction. En tout cas, l’expression elle-même est relativement récente, puisqu’on en trouve une première trace dans un traité que Renouard publie en 1838.
Depuis l’Antiquité cependant, les créateurs se plaignent du plagiat. Cette bataille ne prend réellement corps qu’avec le développement de l’imprimerie. Puissamment organisés, les éditeurs obtiennent une protection commerciale de leurs publications. L’auteur n’est alors, au mieux, qu’une catégorie subsidiaire. Il faut attendre le XVIIIe siècle pour voir se développer une véritable conception de la propriété littéraire. En 1761, le Conseil du roi reconnaît ainsi le droit pour les petits-enfants de La Fontaine d’hériter de la propriété de son œuvre. En 1777, il distingue les droits de l’auteur de ceux de l’éditeur. La même année, Beaumarchais invite chez lui vingt-deux écrivains dramatiques qui fondent la première société d’auteurs. En 1791, à l’instigation de Mirabeau, est adoptée une première loi, leur délivrant à eux « ou leurs héritiers cinq ans après leur mort la propriété la plus entière » de leurs pièces de théâtre. En même temps, les concepteurs de la loi ont à cœur de souligner qu’après ce délai « les ouvrages deviennent propriété publique ». « Chacun devrait être maître de s’emparer des ouvrages immortels de Molière, de Corneille et de Racine pour essayer d’en rendre les beautés et de les faire connaître. » Ce à quoi Lakanal semble répondre que s’il est une propriété dont « l’accroissement ne peut ni blesser l’égalité républicaine, ni donner ombrage à la liberté » c’est bien celle « des productions du génie ».
Cette contradiction va se développer tout au long du XIXe siècle. Certains prônent une propriété perpétuelle. Avec d’autres écrivains, Lamartine défend le principe d’une extension des droits à cinquante ans post mortem. Renouard s’y oppose, lui rétorquant qu’il n’existerait pas « sans la Bible, sans Homère, sans Racine et sans Chateaubriand ». L’allongement à cinquante ans sera finalement adopté en 1866.
La littérature se trouve toujours au cœur du débat. Mais, en 1847, trois amis compositeurs attablés à un caf’conc’ refusent de payer leurs consommations, arguant que leur musique est diffusée sans être payée. Le tribunal leur donne raison, et cette fronde donne naissance à ce qui est aujourd’hui la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique).
Les polémiques sur l’opposition entre intérêts des auteurs et appropriation publique font rage au congrès international de Bruxelles de 1859. Le 9 décembre 1886, le congrès de Berne parvient néanmoins à donner naissance à la première convention internationale sur la propriété littéraire, artistique et scientifique. Après la Seconde Guerre mondiale, l’Unesco a poursuivi cette protection internationale, donnant notamment naissance au c entouré d’un cercle comme signe de reconnaissance du copyright. Elle s’est, depuis, effacée, laissant place à l’Organisation mondiale du commerce.
Spécialiste de cette question, Anne Latournerie tient à démentir deux idées reçues. Historiquement, il est inexact de considérer que la notion de « copyright » se serait développée en Angleterre tandis que la France se serait comportée en championne du « droit d’auteur ». Par surcroît, dans cette longue marche pour la défense des créateurs, notre nation ne fait pas non plus figure de pionnière. Alors que la naissance de nouveaux moyens de diffusion sonores avait relancé la controverse dès la fin du XIXe siècle, il fallut attendre 1957 pour voir naître une loi modernisant le droit d’auteur et rétablissant un consensus sur la question. Aujourd’hui, les nouveaux moyens de communication, ainsi que les implications économiques considérables du droit d’auteur dans des domaines extrêmement variés, constituent un défi d’une tout autre ampleur.
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Le droit d’auteur, une longue histoire
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°550 du 1 septembre 2003, avec le titre suivant : Le droit d’auteur, une longue histoire