L’artiste qui fait parler les masses

Plusieurs motifs sont déclinés sur ces canevas de poche à la façon de messages graphiques plus ou moins symboliques, telles la fameuse série métaphorique des Graines de tournesol (Sunflower Seeds) ou plus explicitement Études de perspective, où l’on voit un doigt d’honneur dressé devant différentes institutions et monuments iconiques (la Maison Blanche, l’Opéra de Sydney, San Marco à Venise…). Étaient également disponibles des dessins de menottes ou de caméras de surveillance. Faut-il y voir une allusion à une forme de résistance politique, le masque étant aussi pour les manifestants une façon de se protéger contre les gaz lacrymogènes, de Hong Kong à Minneapolis ? L’artiste chinois ne s’engage pas sur ce terrain glissant, suggérant simplement que toute « action individuelle » a le pouvoir, à l’échelle collective, de changer le cours des choses, « dans ce cas, une pandémie ». Vendus à l’unité, par quatre ou par jeu de vingt, ces masques commercialisés jusqu’au 27 juin sur la plateforme eBay, l’étaient par ailleurs pour la bonne cause, les bénéfices étant reversés aux associations Human Rights Watch, Refugees International et Médecins sans frontières afin de soutenir leur effort de lutte contre le Covid-19 auprès des plus démunis. Autant dire que le projet, entre incitation à la rébellion muette et action humanitaire, coche toutes les cases, illustrant une nouvelle fois le talent d’Ai Weiwei, régulièrement et médiatiquement engagé, à s’emparer de l’actualité. Pour en faire de l’art ?