L’art du mixage de Carole Benzaken

Fidèle à son habitude de diversifier matériaux et pratiques (dessin, gravure, photo, informatique, verre, installation…) pour interroger le médium peinture, la plasticienne Carole Benzaken occupe, de manière non chronologique afin de multiplier les dialogues, le Musée de Louviers avec une cinquantaine de pièces allant de 1992 à aujourd’hui ; on y retrouve notamment la vidéo (Rush Hour, La Manne) ainsi que ses récents tableaux de verre (Magnolias) et rubans de peinture (Portes-Tehlim). Empruntant la culture du coupé/décalé à la musique africaine, l’artiste DJ expérimente à tout-va afin de nous faire pénétrer son univers multiculturel. Bénéficiant du commissariat de Michel Natier, directeur du lieu, et de Philippe Piguet, collaborateur de L’Œil, cette manifestation s’avère intéressante à plus d’un titre. D’une part, la plasticienne s’immisce malicieusement dans les salles du musée, consacré en partie à l’histoire de l’industrie textile, pour tisser des liens avec sa propre démarche : les étroites bandes verticales de sa Migration temporaire semblent citer les fils de chaîne d’un métier à tisser. D’autre part, en rappelant les sources de sa trajectoire (un travail à quatre mains réalisé avec Joan Mitchell cohabite avec des dessins fragmentaires poétiques proches d’un Cueco, qui fut son professeur aux Beaux-Arts de Paris), la créatrice montre combien elle sait habilement mixer l’héritage du passé avec son questionnement sur l’image et ses codes afin d’aller de l’avant.