La Fondation Cartier propose une plongée dans la diversité de l’Amérique latine à travers le regard de ses photographes.
PARIS - Immense territoire que l’Amérique latine, qui a donné naissance à une considérable production photographique également. C’est à une immersion dans cet univers particulier que convie la Fondation Cartier, à Paris, en collaboration avec le Museo Amparo de Puebla, au Mexique. Le projet d’« America latina 1960-2013 » est ambitieux ; plutôt que de tenter une impossible anthologie de l’image latino-américaine, il aborde deux axes de réflexion : bousculer les frontières et pervertir les catégories de ce continent mutant et en perpétuel mouvement, et ceci avec des œuvres qui souvent associent image et texte.
Présentant 72 artistes venant de 11 pays, l’accrochage est fleuve mais pas surchargé. D’emblée, au rez-de-chaussée, le visiteur est aspiré par les problématiques du territoire et de la ville, les parts les plus excitantes de l’exposition.
Complexité identitaire
Parfois dessinées arbitrairement, et donc à la source de nombreux conflits de par le passé, les frontières sont à l’origine de quantité de questionnements identitaires que résume à merveille Flavia Gandolfo dans une série de photos de cahiers d’écoliers péruviens ayant exécuté des tracés radicalement différents des contours de leur pays, pointant en cela difficulté d’homogénéiser l’histoire et ses soubresauts (El Perú, 1998-2006). La Brésilienne Regina Silveira s’empare de la complexité identitaire et du métissage du continent pour agencer au mur une sorte de carte mentale, un gigantesque puzzle dont les pièces sont porteuses de clichés provenant de toute la région (To Be Continued. (Latin American Puzzle), 1997).
L’Amérique latine c’est aussi la relation aux États-Unis, que Damián Ortega revisite avec des photos d’un mur en parpaings porteur d’un logo « América » qu’il s’ingénie à brouiller en en déplaçant les blocs (América, nuevo orden, 1996). Passionnante est également l’exploration urbaine, dans une région où les mégapoles ont crû de manière exponentielle au cours des dernières décennies. Les promenades y font merveille : celles de Carlos Garaicoa à Cuba, qui détourne des enseignes de magasins (Série « Frases », 2009), celles de Facundo de Zuviría qui, à Buenos Aires, dédie aux devantures fermées une série de clichés (Siesta argentina, 2003), ou encore celles du Vénézuélien Paolo Gasparini, qui explore le chaos urbain à travers le télescopage des affiches et des enseignes.
Un peu plus attendues sont les deux autres sections portant sur les dérives des gouvernements autoritaires des années 1970-1980 et la question de la mémoire, qui n’en délivrent pas moins nombre de travaux remarquables. Ainsi les images du Paraguayen Fredi Casco qui, par des tracés au crayon reproduisant les contours d’images d’archives (Série Foto Zombie, 2011), fait resurgir l’inquiétant dictateur Alfredo Stroessner.
Jusqu’au 6 avril, Fondation Cartier pour l’art contemporain, 261, boulevard Raspail, 75014 Paris, tél. 01 42 18 56 67, www.fondationcartier.com, tlj sauf lundi 11h-20h, jeudi 11h-22h. Catalogue coédition Fondation Cartier/Museo Amparo, 392 pages, 38,50 €.
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L’Amérique latine et ses images
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Abonnez-vous dès 1 €Facundo de Zuviria, ConfiterÁa, Avenida de Mayo, 1987, photographie couleur, 10 x 15 cm, collection Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris. © Fondation Cartier pour l’art contemporain.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°404 du 3 janvier 2014, avec le titre suivant : L’Amérique latine et ses images