À la source du théâtre de Jan Fabre

Créée à la Biennale de Venise en 1984, recréée en 2012 avec une nouvelle distribution, reçue dans l’enthousiasme au Festival d’Avignon en 2013, elle débarque en février au T2G de Gennevilliers. Trente ans après, sa rage est intacte. Même les blasés, ceux qui croient tout connaître de Jan Fabre, pourraient se surprendre à en vouloir encore. Pépite brute, Le Pouvoir des folies théâtrales remonte à la source (du scandale et de l’intensité). Elle enfante – dans la douleur, comme toujours chez Fabre –  un théâtre de sang et de larmes qui met la scène à l’épreuve du réel, du temps (4 h 30 d’une représentation éreintante), du corps nu – costume de vérité. Un acte de naissance en forme de sacrifice. On y assassine au couteau ou d’une frappe du talon les illusions spectaculaires. On se dévêt des conventions comme on déboutonne un costard trop sévère. Les ors et les pourpres du théâtre bourgeois consument leurs derniers feux à mesure que les performeurs égrènent à voix haute les noms et les dates clés de son histoire. Wagner, chanté, hurlé, suivi de tous les autres. Déculotté, tripes à l’air, monsieur le théâtre se débat et meurt dans de violentes convulsions, accouchant au passage d’une vie nouvelle, suante et débridée. Antihéros ubuesque, un roi nu exhibe son manteau invisible comme dans Les Habits neufs de l’empereur d’Andersen. Le prince charmant redevient crapaud (ils coassent sur scène). Sous la vingtaine d’ampoules faisant office de décor éclate une fureur dionysiaque maîtrisée au millimètre et traversée d’éclats apaisés – beauté classique des peintures projetées en fond de scène. Jan Fabre verse « du sel sur les plaies ». Prenez une grosse goulée d’air, ça va piquer.