Coopération culturelle

À la rencontre de l’Afrique

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 11 mai 2010 - 650 mots

Pour la première fois, les œuvres du Fonds national d’art contemporain
sont présentées au Cameroun. Une opération exemplaire.

YAOUNDÉ (CAMEROUN) - L’art, et a fortiori l’art contemporain occidental, sont peu présents à Yaoundé, la capitale politique du Cameroun. Les étudiants du département des arts et archéologie, section arts plastiques et histoire de l’art, de l’université Yaoundé-I, en attestent : leurs cours se font principalement sans image, les magazines d’art et revues sont rares, les livres souvent anciens, l’accès à Internet est très limité. Il y a bien eu ce projet de construction d’un grand centre multimédia financé par les Chinois, mais il n’a pas abouti sans que les étudiants ne sachent vraiment pourquoi. Dans ce contexte, l’opération lancée par Hubert Maheux, directeur des Centres culturels français de Yaoundé et Douala, et Claude Allemand-Cosneau, directrice du Fonds national d’art contemporain, à Puteaux, près de Paris, consistant à exposer des œuvres issues de cette collection nationale, est exemplaire à plus d’un titre.

Elle offre tout d’abord la possibilité pour ces jeunes d’avoir, pour la première fois, un contact direct avec des œuvres contemporaines. « L’exposition est une rupture pour les étudiants marqués par une certaine académie », souligne Hubert Maheux. De fait, des étudiants ont été associés au projet de Yaoundé, d’abord pour la réalisation sur place des pièces de Christophe Cuzin et Pierre Bismuth, ensuite pour la scénographie et l’accrochage.

« Nous avons profité de l’expérience de Claude Allemand-Cosneau », soulignent-ils. Depuis l’ouverture de l’exposition, ils interviennent en tant que médiateurs, et expliquent aux visiteurs les œuvres de Damien Deroubaix, Étienne Bossut, Pascal Convert, Johan Creten, Wim Delvoye, Bertrand Lavier, Valérie Mréjen ou Joe Scanlan réunies au Centre culturel français sous le titre « Décalages ».

Le deuxième volet de l’exposition est présenté à Douala, la capitale économique du Cameroun. Ici, les organisateurs se sont appuyés sur une structure disposant d’un très bel espace, Doual’art (lire l’encadré). Les enfants du pays Barthélémy Toguo et Pascale Marthine Tayou sont présents dans l’exposition « Figures de rêve » qui met en scène des imaginaires débridés, fantastiques ou humoristiques, avec entre autres Jean-Luc Blanc, Béatrice Cussol, Frédérique Loutz, Jean-Jacques Rullier, ou encore Petra Mrzyk et Jean-François Moriceau.

Beaucoup d’artistes résident dans la région de Douala, créateurs qui multiplient les résidences à l’étranger à l’image de Boris Nzebo, Goddy Leye ou Hervé Yamguen. D’autres structures comme ArtBakery, dans le village d’artistes de Bonendale, près de Douala, accueillent aussi en résidences des créateurs camerounais et étrangers.

C’est précisément un projet de ce type qui est au centre du travail effectué par Barthélémy Toguo à Bandjoun, sur les hauts plateaux de l’Ouest, ultime étape de l’opération menée par l’ambassade de France au Cameroun et le Centre national des arts plastiques. Dans une salle du centre d’art de Bandjoun Station, sont projetés des films sur des créateurs de la scène française. C’est surtout ici le moyen de souligner l’action de Toguo pour offrir aux artistes un outil de travail aux normes internationales.

Le bâtiment principal, mais aussi les annexes situées au milieu des champs, forment un ensemble exceptionnel, tout comme cette présence des collections nationales qui prennent une dimension nouvelle dans un pays où beaucoup reste encore à construire.

Doual’art, tout pour l’art

Lauréat du prix Prince Claus en 2009, Doual’art est une association née à Douala, au Cameroun, en 1991 et installée dans un ancien cinéma depuis 1995. « Nous nous définissons comme une structure qui s’intéresse au patrimoine ancien et contemporain », précise la princesse Marilyn Douala-Bell, présidente de l’association.

Avec Didier Schaub, le directeur artistique, ils mènent à la fois une politique de sensibilisation au patrimoine bâti, principalement d’origine colonial, tout en poursuivant un programme d’art dans la ville.

La structure organise ainsi, du 4 au 11 décembre, « Sud 2010 », festival triennal d’art public qui aura pour thème l’eau. L’occasion de retrouver des artistes comme Bili Bidjocka, Loris Cecchini ou Lucas Grandin. Rens. www.doualart.org

DÉCALAGES – FIGURES DE RÊVE – PASSIONS, COLLECTIONS DU FNAC AU CAMEROUN, jusqu’au 30 mai, divers lieux, Cameroun, www.ccfyaounde.com. Catalogue, 32 p., gratuit

LE FNAC AU CAMEROUN

Commissaire : Claude Allemand-Cosneau, directrice du FNAC, avec la complicité de l’artiste Barthélémy Toguo, de Marilyn Douala-Bell et Didier Schaub de Doual’art

Nombre d’expositions : 3

Nombre d’artistes : 44

Budget : 90 000 euros

Financement : 30 000 euros (Centre culturel français), 30 000 euros (Centre national des arts plastiques), 10 000 euros (CulturesFrance) et 20 000 euros (mécénat, Total Cameroun et SGBC)

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°325 du 14 mai 2010, avec le titre suivant : À la rencontre de l’Afrique

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