« Je n’ai pas d’amour particulier pour les objets, je ne les collectionne pas. Néanmoins, je suis tombée amoureuse de la maquette en bois de la maison dans laquelle je vis près de Dijon. Je l’ai découverte, il y a une vingtaine d’années, dans le grenier de cette même maison qui appartient à ma famille depuis plusieurs générations. Elle mesure une trentaine de centimètres et se trouve dans mon salon. »
Et Cécile Bart d’imaginer la vie de ses aïeux viticulteurs qui, pour survivre, devenaient occasionnellement forgerons, menuisiers, producteurs de fruits et de légumes. Réalisée d’un seul tenant, cette maquette compacte fascine l’artiste par ses proportions équilibrées et ses nombreuses ouvertures. Percées dans la masse, portes et fenêtres sont distribuées avec une grande régularité. Tous les murs porteurs y figurent. Elle explique : « Ce n’est pas à proprement parler une maison de maître.
Il s’agit plutôt d’une sorte de phalanstère. De type utopie à la Fourier. À une époque, le lieu a été occupé par six ou sept familles en même temps, des parents, des locataires… Je ne parviens pas à savoir si cette maquette a été réalisée avant la construction de la maison, qui date du XVIIIe siècle, ou après, par l’un de ses nombreux habitants. Le saura-t-on jamais ? » Cécile Bart apprécie la double orientation de cet habitat tout en longueur. Elle précise : « À l’origine, les chambres étaient distribuées à l’est et les pièces à vivre à l’ouest. Au sud se trouve, par ailleurs, un tilleul qui a été planté à la naissance de mon arrière-grand-mère, il y a cent quarante ans. » Au final, le poids du passé n’encombre-t-il pas l’imaginaire d’une artiste qui réalise ce qu’elle appelle des peintures/écrans,
en tergal plein jour, légères et transparentes comme des plumes, et dont les nuances colorées changent selon les variations de la lumière ? Une peinture qui laisse le regard les traverser. Une œuvre in situ qui devient sculpture aérienne, installation insaisissable, assemblage en suspens…, l’exact contraire de l’ancrage représenté par cette bâtisse trois fois centenaire, solidement amarrée sur la terre de ses ascendants. Cécile Bart y a installé son atelier dans l’ancienne cuverie : « J’ai commencé à l’occuper dès ma sortie des beaux-Arts de Dijon, en 1987. Est-ce la raison pour laquelle je pense mon travail en fonction de la circulation dans l’espace, de l’approche du spectateur, qu’il soit à l’intérieur de l’espace d’exposition ou à l’extérieur, qu’il regarde ou non par la fenêtre – mais laquelle ? C’est pourquoi je réalise toujours un plan et une maquette en amont. Et, depuis 2009, j’expose ces maquettes. » Métaphore et projection mentale, la maquette étalon de la maison de Cécile Bart agit comme une photographie de ses émotions ordonnées. Quand on lui demande d’évoquer ses sculpteurs préférés, plusieurs noms surgissent : « Le premier qui me vient à l’esprit, dit-elle, est Tony Smith, j’aime ses pièces massives et noires. J’apprécie aussi le travail de Didier Vermeiren, ses socles qui ressemblent à des habitats fermés sur eux-mêmes, mais qui affirment leur présence au-dehors. Il y a aussi Peter Downsbrough qui dessine des lignes et des mots dans l’espace. C’est un graphiste qui fait des interventions sur des maquettes en préfiguration de pièces grandeur nature. »
Au fond le travail de Cécile Bart ne revient-il pas à écarter les murs ? Ceux de sa maison qui, loin d’enfermer son esprit, lui ouvrent au contraire de vastes horizons. « Mes œuvres n‘arrêtent pas le mouvement. Elles le captent en silence », explique l’artiste.
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La maquette en bois de Cécile Bart
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« Bandes Originales », exposition personnelle au CCC, Tours (37), du 19 septembre au fin décembre 2015, www.ccc-art.com
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°677 du 1 mars 2015, avec le titre suivant : La maquette en bois de Cécile Bart