L’Œil : Vous employez dans votre atelier un très grand nombre de collaborateurs, jusqu’à plusieurs dizaines d’assistants. Quel est votre rôle en tant qu’artiste au sein de cette « entreprise » ?
JEFF KOONS : En effet, beaucoup d’assistants travaillent avec moi dans mon atelier. Mais ils m’aident à mettre en œuvre ma vision, celle que je leur communique. Je leur fais connaître ma vision et ils m’aident à l’accomplir. Il s’agit d’une collaboration, non d’une création commune. Cela dit, mes assistants m’apportent parfois des idées en ce qui concerne la manière de travailler certains matériaux, d’utiliser certains processus. Ils me disent : « Si nous opérons de telle ou telle manière, nous obtiendrons alors un meilleur rendu… » Voilà le genre de collaboration que nous avons. Mais elle ne se situe pas au niveau des idées, ou du concept, seulement dans la mise en production de l’œuvre.
N’avez-vous pas envie, parfois, de reprendre, par exemple, vos pinceaux et de revenir au faire, à l’exécution de l’œuvre ?
Le geste est important. Mais il s’agit de prendre la liberté que nous avons, en tant qu’êtres humains, de faire ce que nous voulons vraiment. Moi, j’essaie d’exercer cette liberté tous les jours ; j’essaie de créer les choses que je veux vraiment créer : mon geste se situe là. Ma décision de créer une sculpture est la forme de mon geste. Oui, lorsque je réalise un tableau, j’ai parfois le désir romantique de prendre un pigment ou de donner forme à la matière, mais ce n’est pas la seule forme possible du geste… Bien entendu, je participe en donnant des indications sur la manière de faire et de manipuler les formes. Mais je ne mets pas toujours la main à la pâte. En fait, j’indique comment nous devrions régler ceci, remplir telle partie ou rendre telle autre plus présente… Je donne des instructions concernant la façon de manipuler les matériaux. J’ai commencé à travailler de cette manière en donnant une perspective duchampienne à mon travail en me disant que, si je me soustrayais physiquement à l’œuvre, je ne serais pas détourné d’elle par la séduction de la matière. J’ai pris ce chemin et il me convient. Mais si je change mon point de vue et que je décide de m’asseoir et de peindre, alors je me sens libre de le faire.
Que dites-vous lorsque l’on compare votre façon de travailler, entouré par de nombreux assistants, à celle des grands peintres de la Renaissance, comme Léonard de Vinci par exemple ?
Bien entendu, il y a une ressemblance évidente. La façon dont les artistes travaillent est toujours influencée par ce qui a été fait dans le passé par d’autres artistes. On veut, de son vivant, pouvoir réaliser autant d’œuvres que possible à partir de ses idées. Si je travaillais seul à l’exécution de mes œuvres, je ne pourrais créer qu’une ou deux choses, peut-être cinq ou dix, de mon vivant. Le fait de travailler avec d’autres personnes me donne la capacité d’en créer plus. Les artistes aiment les références, ils aiment se référer à l’histoire et à ce que cela signifie d’être un artiste, ce que cela signifie de créer des œuvres, d’être créatif. Et dans l’acte de création, plus on est nombreux à s’identifier à cet acte, plus cela enrichit nos vies et notre société…
« Jeff Koons, la rétrospective », du 26 novembre au 27 avril 2015. Musée national d’art moderne-Centre Pompidou. Ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 11 h à 21 h. Nocturne le jeudi jusqu’à 23 h. Tarifs : 13 et 10 €. Commissaire : Bernard Blistène. www.centrepompidou.fr
Jeff Koons, tout est beau, documentaire de Grit Lederer, 52 min, 2014. Diffusion dimanche 7 décembre à 17 h 30 sur Arte.
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Jeff Koons : « Mes assistants m’aident à mettre en œuvre ma vision. »
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Abonnez-vous dès 1 €Jeff Koons @ Jeff koons / Photo Chris Fanning
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°674 du 1 décembre 2014, avec le titre suivant : Jeff Koons : « Mes assistants m’aident à mettre en œuvre ma vision. »