Appartenant un temps au groupe Support-Surface, Jean-Pierre Pincemin trouvera sa propre voie. Autodidacte et curieux, cet artiste, toujours prompt à explorer de nouvelles pistes esthétiques, est décédé au printemps dernier.
«Toutes les fois que j’ai eu quelque chose à dire, je l’ai dit de la façon que je sentais être la bonne. Des motifs différents exigent des méthodes différentes. » Cette formule de Picasso, citée par Jean Leymarie dans son ouvrage intitulé Picasso : métamorphose et unité, Jean-Pierre Pincemin – qui nous a quittés au printemps dernier à l’âge de soixante et un ans – aurait très bien pu la reprendre à son compte. De même qu’il aurait pu revendiquer les qualités antinomiques qu’énonce le titre de cet ouvrage. Il suffit pour s’en convaincre de feuilleter le livre qu’il avait publié en 1998 : Monkey Business. Composé sur le mode d’un recueil de photographies, celui-ci rassemble comme un panel des peintures, sculptures et gravures que l’artiste a réalisées au cours d’une trentaine d’années, nous invitant à en mesurer l’incroyable diversité plastique. Sans préalable particulier, ni injonction d’école, Pincemin cherchait toujours la réponse la mieux adaptée au problème qui se posait à lui. S’il disait volontiers : « Tous mes tableaux ne sont qu’approximation. Je manque de science mais j’essaie toujours ce que je ne sais pas », c’était surtout une façon de rester en éveil. D’être constamment prêt à se remettre en question, dans l’impatience sans cesse renouvelée d’une découverte ou d’une surprise.
Une diversité plastique
Né en 1944 à Paris, Jean-Pierre Pincemin – qui possédait en tout et pour tout un CAP de tourneur – était un véritable autodidacte. S’il se consacre tout d’abord au cinéma, il ne tarde pas à venir à la peinture et à la sculpture, réalisant sa première exposition personnelle dès 1967. Deux ans plus tard il rencontre Claude Viallat qui fait partie d’un groupe d’artistes très actifs dans le Midi. Comme il partage avec lui les mêmes préoccupations de questionnement sur le tableau et ses différents constituants matériels, Pincemin lui propose d’organiser une exposition à l’École spéciale d’architecture à Paris lui laissant l’entière responsabilité du choix des exposants. Les artistes participant à cette exposition – parmi lesquels figurent Dezeuze, Pagès, Dolla et Saytour – composent alors ce qui sera le noyau du futur groupe Support-Surface.
Support-surface : suite et fin
À l’automne 1970, s’il ne participe pas à l’aventure inaugurale du mouvement au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, Jean-Pierre Pincemin n’en fait pas moins partie ; ses « imprimés », ses « damiers », ses « échelles » et ses « carrés collés » contribuent pleinement à l’élaboration d’une esthétique visant à faire voir le processus de la peinture. Très vite, toutefois, son goût irrépressible pour la « belle peinture », la splendeur d’un aplat monochrome, voire le chic d’une composition, l’entraîne sur une autre voie, plus classique, le distinguant définitivement de l’engagement idéologique de ses camarades. « À ce qui pourrait apparaître comme le confort d’une sage construction géométrisante, ou une énième prolongation des problématiques néoplastiques, Pincemin oppose un doute sans appel », note justement à ce propos Yannick Miloux, directeur du Frac Limousin. C’est que l’artiste n’est pas du genre à se laisser enfermer dans un système. D’un caractère pas toujours facile, quelque peu bourru, voire rustre, volontiers solitaire, il est de ce genre d’individu entier, curieux d’expériences, toujours prompt à emprunter de nouvelles pistes pourvu qu’elles lui permettent de creuser plus avant la question essentielle de la création. « La peinture est un lieu de volupté, je ne saurais m’en passer », aimait-il à répéter comme pour justifier la variété des aventures auxquelles elle l’entraînait.
Il est vrai qu’après Support-Surface, Jean-Pierre Pincemin ne s’est pas privé de multiplier les entrées, les techniques et les matériaux. De passer d’un motif figuratif à l’autre, qu’il soit floral, animal, narratif ou abstrait ; de réaliser d’improbables sculptures faites de morceaux de bois agrafés et cloutés ou d’imposantes gravures sur bois réalisées dans du contreplaqué découpé au marteau-piqueur. Début 1980, il répartit ainsi de manière ostentatoire des énumérations de chiffres et de nombres, des réseaux informels de lignes, sans autre souci que la dispersion et l’occupation tous azimuts du champ iconique. Plus tard, il exécute un ensemble de travaux sous le titre générique de L’Année de l’Inde (1986), revisitant l’histoire d’une peinture ancienne, retravaillant la technique de la miniature, jouant d’une iconographie inattendue, comme celle de l’éléphant. Puis il n’hésite pas de là à reconsidérer toute une culture médiévale ou de savants traités philosophiques qui le fascinent. C’est à l’ordre d’un permanent séisme que l’œuvre de Jean-Pierre Pincemin se détermine, destinée à dire les grands remous de la création.
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Jean-Pierre Pincemin (1944-2005) : La peinture triomphante
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°573 du 1 octobre 2005, avec le titre suivant : Jean-Pierre Pincemin (1944-2005)