Cent orchidées, cent écrivains, cent extraits, cent illustrations, sentiments mêlés d’émois enflammés et d’effrois hallucinés, et autant de rapports complexes qu’il y a de destinées.
Pascale de Trazegnies nous offre un tour du monde littéraire, voyage à travers les âmes et les temps, pour peindre avec les mots des auteurs la représentation des frissons qui s’expriment à la vue d’une orchidée. En cinq chapitres, il y a d’abord l’émerveillement, un mélange de saisissement et d’intérêt, puis le ressentiment qui met en mouvement tous nos points de résistance et nos frontières intérieures ; vient après le trouble – la superposition des deux, à la fois vertige de l’appel et vestige de défiance –, qui se dissipe alors dans la mélancolie, celle qui nous rappelle à nous-mêmes et à l’absence en nous d’un amour inconditionnel, qui se résout enfin dans le flux corporel, le besoin fusionnel, l’excitation sexuelle, réflexe du corps pour combler les vides de l’âme à travers la possession, la compulsion, la passion. Ces cinq étapes effeuillent, extrait après extrait, les états intimes d’une découverte amoureuse, d’un coup de foudre. Chef-d’œuvre naturel au charme pétrifiant, capable de nous émouvoir dans la réalité comme aucun tableau humain ne le fait, la forme de l’orchidée prend possession de nous et nous force à nous ouvrir à elle, à faire corps avec elle, jusqu’à l’amour charnel, jusqu’au dégoût de soi-même. Car si l’orchidée tient son étymologie du grec orchis qui signifie testicule, tout porte à croire qu’elle serait la fleur du mâle… Or, dans la littérature, sa forme évoquerait plutôt les corolles du sexe de la femme et exercerait sur l’œil humain une fascination plus profonde que L’Origine du monde. Cette approche littéraire révèle les pans d’un étonnement fondamental et universel à la source de l’art : par quelle synthèse, depuis ce monstre bouche ouverte, dégueulant d’offrande et de mystère, le sens de la vue à lui seul est-il capable de déclencher irrépressiblement tant de sensations émotives et corporelles, de récits intérieurs et de successions d’événements.
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À fleur de mots
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°722 du 1 avril 2019, avec le titre suivant : À fleur de mots