Lauréate du 23e prix Fondation Pernod Ricard, Elsa Werth développe depuis une dizaine d’années un œuvre pluridisciplinaire en prise avec les systèmes socio-économiques qui régissent notre société.
S’il est profondément politique, son travail n’en est pas moins ludique et accessible. Bien qu’utilisant une grande variété de médiums (installations, sculptures, œuvres sonores, etc.) Elsa Werth crée dans une économie de moyens, véritable invariant de la pratique de l’artiste, qui revendique les « productions anti-spectaculaires » comme « tactiques de résistance ». Résistance à quoi, au juste ? À l’entertainment,à la société de consommation, à l’injonction productiviste ou encore à la démesure de moyens qui caractérise le monde de l’art. À rebours de toute monumentalité, elle produit souvent des œuvres immatérielles, comme ses productions sonores qui habitent l’espace de façon invisible, ou des multiples et livres d’artistes, qui répondent à une volonté de rendre l’art accessible au plus grand nombre.
Ces différentes échelles étaient rassemblées dans « Horizones », l’exposition du Prix Fondation Pernod Ricard, où elle présentait Abracadabra, une œuvre sonore diffusée de manière aléatoire, des sculptures en forme de baguettes magiques, comme des « arrêts sur image du flux d’information continu » (Clément Dirié, commissaire), mais également une œuvre déroutante, à peine visible. Sur la vitre de l’espace d’exposition offrant une vue plongeante sur les rails de la gare Saint-Lazare est notée une consigne simple : il s’agit de jouer à pile ou face avec un multiple réalisé par l’artiste, qui prend la forme d’une pièce de monnaie factice et qui est disponible à l’entrée de l’exposition. On tombe alors soit sur la face MONDAY, sur laquelle est écrit « WORK TODAY », soit sur celle intitulée SUNDAY, accompagnée de la mention « DO NOT WORK TODAY ». Ainsi, l’artiste nous invite à laisser le hasard entrer dans nos vies pour définir notre programme de la journée – travailler ou faire ce que bon nous semble, hormis travailler. Répondant à un protocole simple, que l’artiste est allée expérimenter auprès d’usagers de la gare Saint-Lazare, cette œuvre nous amène à réfléchir à l’injonction à la productivité à l’œuvre dans notre société, ainsi qu’à la monétisation de toute chose. Tout cela avec légèreté, car, après tout, ce n’est qu’un jeu. La dimension ludique et participative au cœur du travail d’Elsa Werth est une manière de rejouer les dynamiques de pouvoir à l’œuvre dans notre société. Tout entier tourné vers le détournement d’objets et de gestes du quotidien, le travail d’Elsa Werth est également souvent pensé en lien avec le contexte de monstration dans lequel il s’inscrit. Son intérêt pour l’inattendu et la remise en cause des normes ne datent pas d’hier, comme en témoigne la pratique curatoriale qu’elle mène en parallèle de son travail artistique. Alors jeune diplômée des Beaux-Arts de Paris, elle a organisé avec son amie Muriel Leray une exposition dans un box de stockage dans le Marais. Ce projet curatorial était une manière de créer une occasion, qui ne venait pas, de montrer leur travail et celui d’autres artistes, mais également de « détourner les codes du white cube, de l’institution ».
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Elsa Werth
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°761 du 1 janvier 2023, avec le titre suivant : Elsa Werth