DEEP LEARNING - L’année 2016 aura été riche en débats sur l’intelligence artificielle et la menace qu’elle fait peser sur un type d’emplois jusqu’alors épargné par la mécanisation : ceux, qualifiés, qui nécessitent la mise en œuvre de capacités décisionnelles et organisationnelles – pour faire court le travail en « col blanc ».
Avec le deep learning, l’ordinateur cesse en effet d’être un exécutant, surpassant certes l’homme par sa vitesse de calcul, mais inapte à penser : il est désormais capable de résoudre des problèmes complexes et d’opérer des choix, ce qui le rend à même de remplacer dans un avenir proche pilotes d’avion, chirurgiens, juristes ou comptables – et pourquoi pas de tenir la présente chronique…
Dans un tel contexte, certains arguent qu’il reste à l’homme sa créativité. De fait, s’il est une activité que l’expansion de l’intelligence artificielle ne semble pas menacer, c’est bien celle de l’artiste, dont l’imagination et la capacité à enfanter des mondes selon ses propres règles ne peuvent se ramener à un algorithme. C’est d’ailleurs parce que la créativité se donne pour le dernier refuge de l’humanité que Mark Riedl, chercheur au Georgia Institute of Technology (États-Unis), a mis au point le test Lovelace 2.0, d’après une première mouture imaginée en 2001. Censé remplacer le test de Turing conçu en 1950 pour mesurer l’intelligence des machines, mais menacé d’obsolescence par le deep learning – en 2011, le programme Watson de la firme IBM passe selon certains chercheurs pour avoir réussi partiellement le test en battant deux champions du jeu Jeopardy ! –, Lovelace 2.0 présuppose que la créativité est le meilleur critère pour distinguer l’homme de la machine, et évalue la capacité d’un agent artificiel à exécuter une large variété d’œuvres (peintures, poésie, etc.) nécessitant des compétences proprement « humaines ».
Mark Riedl précise que s’il existe déjà des générateurs de romans, de scenarii ou de peintures, ces derniers n’ont pour l’instant pas atteint un niveau de complexité suffisant pour passer son test avec succès. De fait, aucun programme n’est à ce jour capable de se fixer son propre régime de contraintes. Tout au plus peut-il « créer » au sein d’un cadre fixé par d’autres – en l’occurrence des humains.
S’il est donc prématuré d’imaginer des machines douées d’une véritable créativité, le deep learning n’en est pas pour autant étranger au monde de l’art, comme en témoignent plusieurs projets récents. Parmi eux, « The Next Rembrandt » développé au sein de l’agence de publicité J. Walter Thompson Amsterdam en partenariat avec la banque ING, Microsoft et le Musée de la maison Rembrandt. Soit un tableau « à la manière de », entièrement réalisé par un algorithme à partir de l’analyse de trois cents œuvres du maître, dont toutes les caractéristiques (personnages, pose, palette…) ont été réunies dans une vaste base de données. Comme le Canada Dry, le résultat a la couleur (en l’occurrence le clair-obscur) d’un Rembrandt, la « patte » d’un Rembrandt, mais ce n’est pas un Rembrandt, puisqu’il date de 2016 et a été forgé par une imprimante 3D. Pas de quoi réussir le test de Lovelace, objectera avec raison Mark Riedl. Mais tout pour inquiéter les faussaires…
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Des machines créatives ?
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°698 du 1 février 2017, avec le titre suivant : Des machines créatives ?