HORNU - Être une manufacture presque tricentenaire et œuvrer avec les créateurs les plus actuels n’a rien d’antinomique.
C’est clairement le message que veut faire passer la célèbre institution de Sèvres avec cette vaste exposition dédiée à sa production contemporaine et intitulée « Feux continus », laquelle est installée dans la totalité des salles du Grand-Hornu Images, en Belgique. Le titre de ladite présentation est plutôt judicieux pour signifier que, depuis 1740, année de la fondation de la Manufacture nationale, ne s’étaient éteints ni les fours ni la créativité, dont l’établissement s’est fait, au fil du temps, une image de marque, sinon une mission. À preuve : les œuvres, ici dévoilées, d’une quarantaine d’artistes et de designers, parmi lesquels Louise Bourgeois, Pierre Alechinsky et Ettore Sottsass. La scénographie a été conçue par le jeune designer helvète Adrien Rovero, lequel a dompté avec une certaine élégance les différences d’échelle criantes entre, par exemple, un vulnérable porte-couteau en forme d’avant-bras signé Françoise Quardon, et l’ample installation Le Tatou sur la table de Napoléon III de Huang Yong Ping.
Dès l’Atrium, le ton est donné au travers d’une micro-section historique dans laquelle le visiteur peut constater que, au XVIIIe siècle déjà, les fantaisies formelles et l’audace esthétique étaient de mise. Ainsi en est-il de ce Bol-Sein, aussi délicatement appelé « Jatte-Tétons », un récipient alors osé dessiné en 1787 par Jean-Claude Duplessis – « Le “Jeff Koons” de l’époque », dixit David Caméo, directeur de la Manufacture – et avec lequel Marie-Antoinette savourait quotidiennement son lait de chèvre. Le reste du parcours se déploie au diapason, témoignant de la manière dont des savoir-faire ancestraux, ou presque, peuvent devenir source d’inspiration pour les créateurs du moment. Ainsi dans les Écuries sont exhibées, tels des trophées au siège d’un club de football, une grande série de pièces, dont moult vases. Artistes et designers y font jeu égal. Sur les gradins de droite se trouve un vase triptyque d’Arman, en trois sections articulées, ainsi que, sorti des fours l’an passé, le vase Soulages (lire p. 11), deux prouesses de fabrication. Sur les gradins de gauche, rivée à son amusant socle de chêne, la coupe Green Suite de Vincent Dupont-Rougier concurrence l’étonnante suite de « formes blanches » de Pierre Charpin, silhouettes diaphanes en quête d’un décor. Le visiteur peut déambuler autour des œuvres, les ausculter sur toutes leurs facettes. Plus loin est montré un exercice subtil de Franck Fontana et Sébastien Cordoléani intitulé « Jeu de miroirs ». À partir d’une plaque découpée de porcelaine tendre, le duo a imaginé une gamme de miroirs jouant sur les effets de matité et de brillance obtenus grâce aux traitements de surface à l’or ou au platine. Dans le Magasin aux foins enfin, sont exposées une multitude d’œuvres d’art imposantes, telles les Vagues pour Palissy de Johan Creten, sculptures en grès émaillé aux incroyables nuances. Ou La Bocca de Bertrand Lavier, hommage porcelainier au « canapé-bouche » de Dalí : dix-huit mois de travail, quarante et un morceaux cassés… Une pièce unique, dans tous les sens du terme.
FEUX CONTINUS, jusqu’au 17 janvier 2010, Grand-Hornu Images, 82, rue Sainte-Louise, Hornu (Belgique), tél. 32 65 65 21 21, tlj sauf mardi et jours fériés 10h-18h, www.grand-hornu-images.be
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Dans le feu de l’action
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Coordination générale de l’exposition : Françoise Foulon, directrice de Grand-Hornu Images ; René-Jacques Mayer et Laurence Maynier, respectivement secrétaire général et secrétaire générale adjointe de la Manufacture nationale de Sèvres
Scénographie : Adrien Rovero
Nombre de salles : 3
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°312 du 30 octobre 2009, avec le titre suivant : Dans le feu de l’action