Le prix Altadis récompense depuis 2000 le travail de trois artistes espagnols et de trois artistes français. Ceux-ci ont l’avantage, outre de bénéficier d’une exposition en plusieurs lieux, de publier une monographie chez Actes Sud. Pour la cinquième édition du prix franco-espagnol, les six lauréats exposent leurs œuvres à la Galerie Lelong à Paris, avant la galerie Oliva Arauna à Madrid. Parmi les heureux élus 2005, l’artiste madrilène Cristina Lucas (née en 1973) présente une série d’œuvres photo et vidéo. À travers sa pratique, l’artiste confère à l’art une capacité à changer le monde. Nous l’avons rencontrée.
Vous êtes parmi les trois lauréats espagnols de la dernière édition du prix Altadis. Quelles sont les pièces présentées à l’occasion de l’exposition à Paris ?
Je présente une vidéo et deux photographies intitulées My Struggle et Die Führer. La vidéo témoigne du pouvoir de transcendance de l’art d’aujourd’hui. Mais tout cela s’offre à nous comme un monologue qui s’établit par le biais d’un haut-parleur auquel personne ne fait attention. Les photographies ont été prises à Mexico. Ce sont des portraits de groupe dont la structure classique représente les piliers de la société en la personne d’un prêtre, d’un médecin, d’un avocat, d’un policier… et dans ce groupe de personnages fondamentaux, j’ai aussi inclus l’artiste. En l’occurrence, il s’agit ici de moi. Cette présence de l’artiste vient alors créer une impression bizarre.
Comment mettez-vous en scène vos photographies ? Travaillez-vous avec des acteurs ?
Ce sont des images faites en studio. Je travaille mes photographies sur le modèle des peintures anciennes. Les protagonistes ne sont pas des acteurs. Mais ce qui compte, c’est que la composition soit absolument traitée de manière picturale.
Vous apparaissez dans plusieurs de vos photographies. Quelle fonction donnez-vous à ces présences dans l’image ? Êtes-vous là en tant que simple modèle ? en tant que femme ? artiste ? tout cela à la fois ?
Mise à part la série Die Führer, où ce sont surtout des questions pratiques qui justifient ma présence, je considère que c’est toujours une bonne manière de revisiter les icônes que de le faire par le biais d’une figure féminine.
La façon dont le public peut percevoir l’art en général a une importance pour vos photographies, vidéos et dessins. Selon vous, quelle est la place des arts et de l’artiste dans la société actuelle ?
L’art est un outil de pouvoir qui offre la possibilité de nous rapprocher de nous et de notre contexte, là où les autres disciplines accusent justement leurs limites. Les artistes sont comme les nouveaux ingénieurs du climat intellectuel dans notre monde global.
Donnez-vous un sens politique à vos photographies ?
Tout est politique aujourd’hui, même le manque d’attitude politique justement !
Pensez-vous que l’art puisse exercer un pouvoir dans la société ?
L’art est une réflexion sur son temps. C’est curieux de voir à quel point le phénomène artistique a un pouvoir dynamique, un pouvoir de transformation… et quel intérêt politique il peut lui-même représenter.
Pensez-vous que l’art ait quelque chose à voir avec la religion ?
L’art est à l’opposé du dogmatisme.
Qu’essayez-vous d’apporter à votre public en général ?
J’essaie de reconsidérer les faits établis, les préjugés et les lieux communs ; j’essaie d’en révéler la complexité et leurs aspects les plus sombres… En ce sens, je pense que les artistes créent un espace pour repenser notre monde avec des outils différents et plus puissants que ce que les structures normales de la société nous procurent habituellement.
Exposition des six artistes lauréats (Ibon Aranberri, Cristina Lucas, Jordi Ribes, Christophe Berdaguer & Marie Péjus, François Curlet, Hugues Reip), jusqu’au 31 mars, Galerie Lelong, 13, rue de Téhéran, 75008 Paris, tél. 01 45 63 13 19, du mardi au samedi 10h30-19h.
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Cristina Lucas
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°211 du 18 mars 2005, avec le titre suivant : Cristina Lucas