« Dessin de formes encloses, souples, arrondies… Souplesse des traits, franchise des couleurs, décontraction délibérée des formes… Tout dans cette toile est dialogue et contrepoint, affirmation et suggestion, délicatesse et poids, arabesques et structures… »
De quelle œuvre parle donc ici Claude Viallat ? De Fenêtre à Tahiti de Matisse. Le peintre répondait à la demande qui lui avait été adressée de choisir une œuvre du maître et de dire en quoi elle le touchait.
Sans hésitation, il avait choisi ce tableau de 1935-1936 qui figure dans les collections du musée Matisse de Nice et il en avait aussitôt brossé l’éloge. Il soulignait par ailleurs la façon si particulière qu’avait l’artiste de « donner toute la sensualité à l’intensité et au rapport de la couleur en éliminant les incidents du faire… ». Il faut lire et relire ces lignes. Non seulement elles sont simples et justes mais surtout elles nous en apprennent autant sur l’œuvre de Matisse que sur ce qui fonde le travail de Viallat.
Nîmes, « sa » ville
Il faut avoir visité l’artiste à Nîmes, « sa » ville, pour prendre toute la mesure de sa démarche. Avoir vu cette grosse maison quelque peu fatiguée qui lui sert d’atelier et qui se développe autour d’une petite cour centrale en une multitude d’escaliers et de pièces aux usages multiples. Être resté de longs moments dans celle où il travaille à le regarder soigneusement déplier et replier ses peintures les unes après les autres avec sa femme. Avoir attentivement écouté ses commentaires sur le choix qu’il a fait de tel tissu, sur la façon dont il a demandé à sa couturière d’assembler tels autres, sur la technique particulière qu’il a mise en œuvre ici, sur sa décision d’employer telle couleur là. Etc., etc. Il faut avoir vécu tous ces moments-là pour entrer pleinement dans le monde de Viallat. Pour en mesurer l’étonnante et prospective diversité dans l’unité d’une pratique que l’on pourrait à première vue penser être univoque.
Mais voilà, le travail de Viallat n’est jamais le même, tout comme les visites qu’on peut lui faire ne sont jamais celles auxquelles on croit s’attendre. En amont de tout, il y a cette forme aux allures d’osselet que les événements de la peinture lui ont fournie. Et Viallat aime à raconter comment elle provient du trempage nocturne, dans un bain d’eau de javel fortement relevé, d’une forme aux allures de palette découpée dans un matériau résineux qu’il utilisait alors. En aval, c’est le règne du support et de la surface. Support-Surface, c’est le nom du groupe baptisé en 1970 qu’il a animé avec ferveur et dont il est le représentant le plus radical et le plus accompli.
Passé le problème formel, l’artiste n’a donc plus qu’à se préoccuper de jouer de l’infinie variation des matériaux employés. Mieux : cette liberté acquise, il l’a érigée en dynamique permanente et existentielle. D’un projet d’œuvre, Claude Viallat a fait un projet de vie. D’un principe et d’une méthode de travail, une esthétique. Ce faisant, le peintre ne cesse d’orchestrer et d’assister lui-même à l’éternelle régénérescence de la peinture.
1936 Naissance à Nîmes. 1955-1959 Étudie à l’école des beaux-arts de Montpellier. 1962-1963 Il intègre l’atelier de Raymond Legueult à l’École des beaux-arts de Paris. Depuis 1966 L’artiste adopte un procédé à base d’empreintes : une forme neutre répétée sur une toile libre, sans châssis. 1970 Membre fondateur du groupe Support-Surface 1982 Le Centre Pompidou lui consacre une grande exposition. 1988 Il participe à la Biennale de Venise. 2007 Claude Viallat vit et travaille à Nîmes.
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Claude Viallat, toujours recommencer
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Abonnez-vous dès 1 €« Claude Viallat. Peintures », Maison des Arts, 105, avenue du 12-février-1934, Malakoff (94), tél. 01 47 3596 94, jusqu’au 11 mars 2007
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°588 du 1 février 2007, avec le titre suivant : Claude Viallat