Force est de le reconnaître, les temps contemporains semblent friands de tout ce qui se rapporte peu ou prou à l’idée de collection et, plus particulièrement, à celle de cabinet de curiosités, sinon d’amateur.
De fait, depuis quelques années, la liste des expositions réunissant toutes sortes d’œuvres extraites de collections tantôt publiques, tantôt privées, n’a cessé de s’allonger. À cela, trois explications au moins : primo, l’influence de certaines manifestations de référence favorisant l’exposition de productions artistiques « curieuses et merveilleuses » ; secundo, le souci tout à fait légitime de nombreuses institutions de faire le point quant à leur politique d’acquisition pour en éprouver la pertinence ; tertio, le goût du public à connaître l’histoire qui porte certains individus à consacrer leur temps et leur fortune à constituer une collection. À ce trinôme, on pourrait encore ajouter que, du fait de son rapport aux notions de patrimoine et de mémoire, le fait de collection passe toujours auprès du public comme un garant vis-à-vis de l’histoire. Et cela d’autant plus fortement à un moment historique que l’on dit volontiers en perte de repères. Hier, le château d’Oiron et ses commandes publiques dignes d’un cabinet de curiosités contemporain ; aujourd’hui, une série de cartes blanches conçues comme un regard sur les collections du Frac Picardie à la façon d’un cabinet d’amateur ; demain, tout un lot d’expositions célébrant les vingt ans des Frac (Fonds régionaux d’art contemporain).
Avec une petite longueur d’avance sur le programme national qui va sanctionner cet anniversaire à compter de la fin juin – dont L’Œil se fera l’écho dans son numéro d’été –, le Frac Picardie a donc choisi de fêter ses vingt ans d’existence en consacrant sa programmation du premier semestre à une opération de relecture d’une partie de sa collection. Pour ce faire, il a invité deux artistes, largement représentés dans celle-ci, et deux personnalités étrangères, partenaires du monde de l’art, à faire un choix parmi les œuvres du Frac de sorte à en proposer un regard autre et personnalisé. Une façon en quelque sorte de réactiver un mode – celui du cabinet d’amateur – qui a connu un grand succès dans le passé et grandement contribué à la diffusion des formes artistiques les plus variées. L’originalité du propos du Frac Picardie est d’avoir demandé à Laurent Pariente de concevoir, à l’intérieur du lieu ordinaire d’exposition, un dispositif architectural modulable, destiné à accueillir le choix de chacun des invités. Tout en tenant compte des trois composantes que sont l’espace d’exposition, les œuvres et le travail de leur mise en espace par le commissaire, Pariente a pensé l’espace comme une sorte de labyrinthe initiatique, offrant à la façon d’un puzzle dix-huit variantes possibles. Si Gabriel Orozco et Jean-Michel Alberola ont été les premiers à opérer, c’est au tour cette fois-ci de Joachim Blüher avant que, pour achever cette tétralogie, Ann Philbin ne fasse son choix en juin-juillet prochains.
Pendant plusieurs années, Joachim Blüher a dirigé une galerie d’art à Cologne expressément consacrée à la présentation d’œuvres sur papier d’artistes contemporains. C’est dire si le fait de l’avoir invité à participer à cette aventure est tout à fait judicieux – rappelons que le dessin constitue la spécificité du Frac Picardie – d’autant que certains des artistes montrés par lui l’ont été aussi par le Frac, comme Barbara Camilla Tucholski en 2000 par exemple.
Directeur aujourd’hui de la Deutsche Akademie de Rome, lieu de résidence et d’accueil des artistes allemands installé dans les magnifiques locaux de la Villa Massimo, Joachim Blüher s’est montré dans son activité de marchand l’ardent défenseur d’une génération comptant notamment Baselitz, Lüpertz et Polke. Le choix d’œuvres qu’il a fait dans la collection du Frac sanctionne deux aspects singuliers de celle-ci. À la recherche d’une dimension humaniste du monde, Blüher a souhaité composer, d’une part, une sorte de galerie de portraits, d’autre part, tout un ensemble que l’on pourrait qualifier de « frondaisons ». Une façon de parler de l’homme et de la nature et, par-delà, des relations de l’un à l’autre. Jean-Michel Basquiat, Anne-Marie Schneider, Marc Couturier, Sylvia Bächli, Thomas Schütte figurent parmi les artistes dont il a retenu des œuvres. Un curieux mélange des genres et des techniques mais que l’unité d’un regard fédère.
AMIENS, Fonds régional d’art contemporain, 45 rue Pointin, tél. 03 22 91 66 00, 29 avril-28 mai.
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Cabinets d’amateur
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°547 du 1 mai 2003, avec le titre suivant : Cabinets d’amateur