On connaissait surtout de lui les pleins et les déliés de son écriture qui énonçaient des aphorismes savoureux. L’artiste Ben est mort en juin, à l’âge de 88 ans.
Les obsèques d’Annie et Ben Vautier ont été célébrées le 13 juin, à Nice, et un hommage leur a été rendu sur la coulée verte. Artiste iconoclaste et provocateur surtout connu pour ses phrases manuscrites, courtes et percutantes (le plus souvent en blanc sur fond noir), Ben s’est donné la mort le 5 juin, quelques heures après le décès de sa femme Annie victime d’un AVC. Si rien dans son dernier message, envoyé comme chaque semaine aux abonnés de sa newsletter, n’évoque sa volonté d’en finir, tout indique qu’il n’aurait pas supporté de vivre sans sa compagne de toujours, épousée soixante ans auparavant. Né à Naples en 1935, Ben vivait à Nice depuis 1949. Cette ville solaire allait bien à son tempérament généreux et à son ego démesuré, dont il avait choisi de faire la matière même de son art. Mais qu’inventer de nouveau après Marcel Duchamp ? Convaincu de l’intrication de l’art avec la vie, Ben, qui avait rallié le mouvement Fluxus au début des années 1960, commença par une série « d’attitudes » (comme traverser, tout habillé et coiffé d’un chapeau, le port de Nice à la nage). Lié aux artistes de l’école de Nice (César, Arman, Martial Raysse…), il fut ami avec Yves Klein, dont le regard compta beaucoup dans son orientation artistique, ce dernier l’encourageant à persévérer dans ses écritures. Ses aphorismes pleins d’humour, non dénués de profondeur, proches – comme il le disait lui-même – « de la philosophie de bar », conjuguaient une approche conceptuelle et une forme accessible qui fit leur succès. Ben n’a cessé de questionner l’art, l’actualité, le sens de la vie, mettant le doute au centre de tout, jusque dans sa propre pratique artistique : « Dois-je continuer à faire des éditions ou pas ? Les chaussettes, c’est peut-être un peu trop », note-t-il non sans humour sur son site en référence à l’année 1986. Le magasin de disques qu’il avait créé en 1958, puis transformé en un centre d’art total, sculpture bricolée et évolutive, autant que lieu de rencontres ouvert aux artistes de tous horizons, a intégré le Centre Pompidou au milieu des années 1970 (Le Magasin de Ben, 1958-1973). Le Musée d’art moderne et d’art contemporain de Nice (MAMAC) a acquis en 1991 l’installation la Cambra de Ben, avant de consacrer une rétrospective à l’artiste, dix ans plus tard. « Je suis restée émerveillée par la radicalité et la simplicité de tes gestes, […] de ton énergie de chef de bande, à faire venir celles et ceux qui créaient ailleurs et dont tu voulais amener l’esprit à Nice », écrit Hélène Guenin, directrice du MAMAC, sur son compte Instagram, sous le choc de l’annonce de la mort de l’artiste. Très impliqué dans la scène contemporaine, Ben était connu et infiniment respecté pour son soutien indéfectible aux jeunes artistes. « Quand on arrivait à Nice, dans les années 1950-1960 ou même après, il fallait rendre visite à Ben », a expliqué Bernar Venet dans le journal Nice-Matin, ajoutant : « Il était toujours là pour nous stimuler, donner un surcroît d’ambition et des idées originales. » Il manque, désormais, au-delà des mots.
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Ben a dit son dernier mot
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°777 du 1 juillet 2024, avec le titre suivant : Ben a dit son dernier mot