Nous savons de l’Ohio qu’il s’agit d’une rivière étatsunienne qui se forme à Pittsburgh et se jette, 1 500 km plus loin, dans le Mississipi après avoir baigné de ses eaux Cincinnati et Louisville.
Tout juste sait-on, en revanche, que l’Ohio est un des États constitutifs du Midwest et que sa capitale, Columbus, s’apparente à un musée en plein air de l’architecture moderne tant les grands noms de la discipline, essentiellement américains, y ont semé qui une high school, qui une gas station, qui un post-office…
Ce que l’on ignore, c’est que Cincinnati, la grande ville du Sud-Ouest de l’Ohio, frontalière de l’Indiana et du Kentucky, a pris le relais de Columbus et est devenue, elle-même, une sorte de musée à ciel ouvert de l’architecture contemporaine. Moins la ville, d’ailleurs, que son université, même si, sur la Main Street de Cincinnati, Zaha Hadid a très récemment édifié un centre d’art contemporain « déconstructiviste ». Avec maestria, elle règle les problèmes d’alignement et livre une façade tout en mouvements mais discrète et, à l’intérieur, compose des trémies d’escaliers dont les perspectives et les enchaînements coupent littéralement le souffle. Pour ce qui concerne les salles d’exposition, c’est une autre affaire, loin d’être réglée : les espaces sont confinés, les circulations compliquées, et la vision tronquée…
Florilège architectural
À l’université donc, qui compte 35 000 étudiants et dont la qualité de l’enseignement a valu à Cincinnati le surnom de « Paris du Midwest », le campus est impérial, le sport est roi, et l’architecture est reine.
C’est sous l’impulsion du dean (doyen) de la faculté d’architecture, Jay Chatterjee, qu’au tournant des années 1990 une politique d’architecture s’est mise en place, tant les besoins d’agrandissement de l’université étaient pressants.
En l’espace d’à peine quinze ans, sept architectes, et non des moindres, vont y livrer chacun un bâtiment universitaire. Celui d’Henry N. Cobb se situe dans un registre respectueux de la réalité locale, mais sans aucun historicisme, ni tentation de pastiche. Michael Graves, le héros du postmodernisme, réalise là, quant à lui, un de ses édifices les plus réussis ; Charles Gwathmey, l’un des protagonistes du groupe des « New York Five », très à la mode sur la Côte est dans les années 1970, se perd en revanche dans la complexité. Frank O. Gehry, égal à lui-même, opte pour la brique plutôt que pour le titane ; Peter Eisenman, autre élément moteur des « New York Five », réalise une faculté d’architecture toute en ruptures déconstructivistes mal maîtrisées et enrobe le tout dans des couleurs pastel inattendues. Morphosis, — dont le leader Thom Mayne vient de recevoir le Pritzker Price et de bénéficier d’une exposition au Centre Pompidou —, livre un bloc de logements pour étudiants, tout de métal et de rigueur, étonnamment graphique, idéal pour les photographes mais dont les locataires pestent contre les ouvertures microscopiques. Pour finir, Bernard Tschumi vient d’y implanter un Athletic Center — tout juste inauguré —, qui se faufile entre un stade et un bâtiment universitaire. La nature même du terrain choisi par l’architecte le conduit à adopter une forme qui ressemble, on ne sait, à un déhanchement ou à un pas de tango. Intéressant contexte qui, une fois passée la porte, plonge le visiteur au cœur d’un immense vaisseau, gigantesque atrium qui s’élance sur cinq niveaux, bordé de coursives, traversé par des passerelles qui s’élancent au-dessus du vide. Tandis qu’un considérable escalier métallique, peint en rouge et semblant jaillir du sol, dessine comme une langue de feu sur toute la hauteur du bâtiment.
Abritant les bureaux des coaches, un gymnase, des salles d’entraînement, des vestiaires et des espaces pour la médecine du sport, l’Athletic Center est aussi le lieu de la mémoire sportive de l’université. Portraits glorieux, souvenirs d’exploits, coupes et trophées… rappellent que l’université de Cincinnati, qui compte un stade de football de 40 000 places et un hall de basket de 15 000 sièges, est également célèbre par son équipe de football, les Bearcats, au nom intraduisible.
University of Cincinnati 2600 Clifton Ave., Cincinnati, Ohio 45221, www.uc.edu/
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Balade sur les rives de l’Ohio
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°244 du 6 octobre 2006, avec le titre suivant : Balade sur les rives de l’Ohio