Hommes du XXe siècle est le projet qu’August Sander (1896-1964) a porté toute sa vie. Ce vaste recueil de plus de cinq cents portraits rassemblés en chapitres et sous-chapitres embrasse la société allemande de son époque, des paysans, hommes politiques, artistes ou mendiants.
Célébrée pour sa valeur sociologique et sa beauté, l’œuvre révèle en ces lieux les dossiers « persécutés, prisonniers politiques et travailleurs étrangers » et « national-socialiste » qu’August Sander décida en 1946 d’incorporer à ces « hommes du XXe siècle ». Les portraits de ces dossiers n’avaient été montrés qu’une seule fois, à São Paulo. Ils le sont donc pour la première fois aujourd’hui en Europe, accompagnés d’une recontextualisation inédite dans la vie et l’œuvre d’August Sander, comme dans l’histoire des juifs de Cologne. L’histoire de la famille Sander s’attarde notamment sur les liens entre August et son fils Erick, emprisonné dès 1935. Les photographies jamais montrées que ce dernier réalisa clandestinement en prison jusqu’à sa mort, en 1943, et les recherches menées par le Mémorial de la Shoah pour identifier les portraits clôturent le parcours, tandis que les archives familiales placées au début racontent la famille Sander des années 1910 aux années d’après-guerre. Les images disent les liens tissés par les Sander avec les artistes dits dégénérés comme le lieu de résistance que constituèrent leur demeure et leur studio. Face à la fierté des nationaux-socialistes à se faire tirer le portrait, l’obligation qui fut faite aux juifs en 1938 de se doter de nouveaux papiers, et donc de photos d’identité, délivre à l’inverse des regards redoutables. La dimension politique des Hommes du XXe siècle demeure implacable.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°714 du 1 juillet 2018, avec le titre suivant : August Sander face au nazisme
