Cent trois projets d’habitations de Le Corbusier exposés à Paris.
PARIS - Tadao Ando raconte qu’âgé de 24 ans, en 1970, il eut la chance de visiter la villa Savoye, édifiée par Le Corbusier à Poissy (Yvelines). À mi-chemin entre la boxe et l’architecture, Ando avait été particulièrement frappé et ému par l’application des « cinq points d’une architecture nouvelle » énoncés par Le Corbusier : les pilotis, le toit jardin, le plan libre, la fenêtre en longueur, la façade libre. Comment ne pas voir, d’ailleurs, une vraie filiation entre Le Corbusier et Ando, et discerner, malgré leurs différences d’expression, les résonances entre la chapelle de Ronchamp (Haute-Saône) du premier et l’église d’Osaka du second ?
Trente ans après sa visite à Poissy, Ando est devenu un architecte établi, célèbre et célébré. Passé maître, il enseigne. Et voilà qu’un beau jour, l’un de ses étudiants, grand admirateur de Le Corbusier, lui présente une maquette de la villa Savoye. La réaction de Tadao Ando est immédiate : « Lorsque cet étudiant m’a confié son souhait de poursuivre ses travaux sur d’autres projets d’habitation de Le Corbusier, j’ai saisi l’occasion pour proposer cette exposition à la Galerie MA de Tokyo, à condition de présenter l’intégralité de ses maisons, réalisées ou non. Le but était de suivre le processus architectural et de retracer la trajectoire de la pensée de Le Corbusier. » Résultat, l’œuvre individuelle se transforme en œuvre collective et tous les étudiants mettent la main à la pâte. Patrick Seguin et Enrico Navarra (associés pour l’occasion) s’enthousiasment et rapatrient l’exposition à Paris.
Densité et légèreté
Dans l’immense espace de la galerie Patrick Séguin, rue des Taillandiers à Paris, un grand praticable rectangulaire sert de socle aux cent trois maquettes que leur très petite taille fait apparaître comme des miniatures. L’effet de rupture d’échelle est, en soi, saisissant. Passé cette première sensation, il convient de s’approcher au plus près du praticable afin de pouvoir exercer son regard sur ces minuscules maquettes et en évaluer la densité, l’épaisseur, les dimensions réelles.
Densité et épaisseur certes, mais aussi légèreté et liberté, retranscrites par la précision du travail des étudiants japonais. Quelques-unes de ces maquettes offrent un point de vue supplémentaire : il suffit de soulever délicatement le toit terrasse des habitations pour apercevoir la distribution intérieure, et même, d’en découvrir, ténus et maîtrisés, les aménagements et le mobilier dessinés.
La surprise la plus extrême réside dans les cinq premiers projets de Le Corbusier : non pas des « villas blanches » révolutionnaires, mais de simples villas cossues, tout à fait bourgeoises et à toits pentus. À cet instant précis, on se souvient que les toutes premières maisons de Mies Van der Rohe, le maître incontesté du verre et de l’acier et auteur du célèbre « less is more », affichaient un baroque germanique triomphant.
Pour ceux qui rateraient l’exposition, qu’ils se rassurent, l’intégralité des maquettes sont offertes (et seront visibles, souhaitons-le) à la Fondation Le Corbusier de Paris.
Jusqu’au 28 janvier, Galerie Patrick Seguin, 5, rue des Taillandiers, 75011 Paris, tél. 01 47 00 32 35, du mardi au samedi, 12h-19h.
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Abonnez-vous dès 1 €- Date des projets et réalisations des habitations qui ont été l’objet de maquettes : de 1905 à 1963 - Échelle : 1/200
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°229 du 20 janvier 2006, avec le titre suivant : Archi-délices