Initiateur ou médiateur, ce professionnel de l’image et du son participe à la diffusion du savoir sur l’art.
Ils préfèrent souvent parler de « films de culture » ou de « documentaires d’auteurs ». Pourtant, force est de constater que dans la misère actuelle du « paysage audiovisuel français », il existe bien une catégorie de réalisateurs capables de parler d’art avec sensibilité, de vulgariser un savoir sans pour autant bêtifier. « Médiateur », le terme convient à Stan Neumann, créateur avec Richard Copans de la série « Architectures », courts films de 26 minutes qui ont démontré que l’on pouvait évoquer cette discipline sans faire fuir les téléspectateurs. Le principe était pourtant simple : placer le bâtiment au centre du discours, et l’étudier comme le ferait un entomologiste, en se débarrassant des banales anecdotes sur son auteur et son histoire. « Le problème récurrent lorsque l’on fait des films qui s’appuient sur des objets d’art est de faire acte de création sur un acte de création. Dès le départ, on est enfermé dans le dispositif formel de quelqu’un d’autre », explique Stan Neumann. Il faut donc parvenir à s’en dégager et à restituer l’œuvre au public sous un angle qui lui permettra de s’en emparer. Le choix du bon sujet, qui sera « filmable » et pourra devenir le support d’une narration, est donc primordial, même si l’actualité des expositions procure souvent l’occasion d’une commande.
Vient ensuite le temps de l’écriture du scénario. L’appui des conseillers scientifiques est alors souvent nécessaire pour décrypter l’œuvre, surtout si elle n’est pas documentée. « L’historien d’art doit être là pour donner du désir, il doit donner envie de partager un savoir », estime Stan Neumann. Mais, pour le réalisateur, qui fut chef monteur avant d’intégrer l’Idhec (Institut des hautes études cinématographiques), l’ancêtre de la prestigieuse Femis, l’écriture documentaire est affaire de professionnel de l’image. « L’exhaustivité est impossible, car on ne peut pas développer plus d’une idée par séquence. Il faut donc dire un nombre de choses limité et de manière schématique. » Un avis que ne partage pas forcément Jean-Loïc Portron, auteur de la série « Les foyers de création », diffusée sur Arte. Historien de formation, ce dernier confesse avoir appris sur le tas la technique du documentaire. Pour autant, il n’a pas l’impression d’être une exception. Ses films, au format plus long, relèvent toutefois d’une autre démarche : écrits avec la complicité de Michel Laclotte, président-directeur honoraire du Musée du Louvre, ils consistent à replacer un courant artistique dans son contexte historique, de manière pédagogique. « Je m’enferme dans les bibliothèques pour lire tout ce qui a été écrit sur le sujet, explique le réalisateur, puis je construis un scénario, à partir de quelques règles. Je m’interdis notamment d’emprunter tout autre chemin que la chronologie. » Quel que soit le genre final – film didactique, plaisir esthétique, iconologie… –, ces professionnels s’accordent sur la difficulté de cet exercice sans recette préétablie, qui doit permettre de distiller à la fois émotion et connaissance. « Ce type de tournage ne ménage pas de surprises, renchérit Stan Neumann. Il faut donc avoir une approche volontariste face à des objets statiques, inanimés. C’est la différence avec un film de situation dans lequel on laisse faire les gens que l’on filme. » Une fois la matière constituée, il faut ensuite s’adonner au fastidieux travail de montage, qui consiste à mettre en forme le documentaire. C’est dans ce domaine qu’Alain Jaubert a fait la réputation de sa série (désormais culte) « Palettes », en utilisant les effets vidéo et la palette graphique comme instruments analytiques.
Malgré des divergences de style, de parti pris et de méthode, ces réalisateurs ont conscience d’avoir le privilège de fabriquer des films rares et exigeants. Non pour leur coût, car l’économie de ces documentaires est souvent serrée, mais car aucune chaîne de télévision ne se bouscule pour les acheter. « Cela ne peut se faire quasiment qu’avec Arte France, déplore Stan Neumann. Mais ce n’est pas mieux à l’étranger. » Autant dire qu’une motivation à toute épreuve est indispensable avant de s’engager dans une voie qui est par ailleurs souvent synonyme de statut d’intermittent du spectacle. « C’est un métier pour lequel il faut avoir une capacité à l’ennui, il faut être prêt à attendre en observant pendant dix heures d’affilée un montage », conseille le réalisateur à l’adresse des centaines de jeunes qui écrivent chaque trimestre à son producteur pour obtenir un stage. Et avoir une envie irrationnelle de faire des films qui donnent le désir de voir de l’art, à l’heure où la télévision s’attache plutôt à rendre le cerveau du téléspectateur disponible pour les messages publicitaires.
Deux écoles publiques très spécialisées sont unanimement reconnues par la profession. Elles recrutent toutes les deux sur concours à bac 2 : - L’École nationale supérieure Louis-Lumière, 7, allée du Promontoire, 93161 Noisy-le-Grand, tél. 01 48 15 40 10, www.ens-louis-lumiere.fr - L’École nationale supérieure des métiers de l’image et du son (ENSMIS, ex-Femis et ex-Idhec), 6, rue Francœur, 75018 Paris, tél. 01 53 41 21 00, www.lafemis.fr Certaines universités (Aix-en-Provence, Brest, Nancy-II, Bordeaux-III, Paris-I, Paris-II et Paris-X, Poitiers, Strasbourg-II, Toulouse-II) et écoles d’art dispensent aussi un enseignement en audiovisuel. Enfin, il existe de très nombreuses écoles privées à Paris et en province. Liste exhaustive de ces formations initiales sur www.cnc.fr, rubrique « Informations utiles ». - Les Ateliers Varan, 6, impasse Mont-Louis, 75011 Paris, tél. 01 43 56 64 04, www.ateliersvaran.com, sont un centre de formation à la réalisation documentaire.
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Réalisateur de documentaires culturels
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°222 du 7 octobre 2005, avec le titre suivant : Réalisateur de documentaires culturels