Quelques ateliers français de passementerie sont toujours les garants d’un savoir-faire issu des riches heures des arts décoratifs. Lézardes, cartisanes, galons et câblés sont autant d’éléments de son vocabulaire.
L’histoire de la passementerie se confond avec celle des tissus et des arts de l’ameublement. Des premiers fils noués ou tressés ensemble afin de décorer l’habitat, et dont on trouve trace dans l’Antiquité, jusqu’aux embrasses exubérantes du Second Empire, il n’est qu’un métier, dont les techniques se sont sans cesse améliorées et renouvelées.
Un seul matériau est irremplaçable pour le passementier : le fil. Qu’il soit en soie, en laine, en coton, en rayonne ou en fibranne, c’est du fil et de son bon usage dans la construction d’un volume décoratif qu’il est véritablement question. Depuis plusieurs années, l’essentiel de la production courante est fabriqué en Asie du Sud-Est et en Afrique du Nord. En Europe, et plus particulièrement en France, on trouve encore des maisons historiques réalisant des pièces de grande qualité. De ces ateliers utilisant toujours des métiers à tisser Jacquard du XIXe siècle dernier sortent le prêt-à-porter de luxe et la haute couture de la passementerie.
« Je suis la quatrième génération de passementiers de cet atelier, explique Yves Dorget, qui dirige les passementeries Verrier Père et Fils. Depuis quelques années, nous sommes vraiment spécialisés dans le sur-mesure, et la qualité de nos pièces n’en est que meilleure. Notre force, c’est de réussir à conserver ce savoir-faire haut de gamme pour l’instant inégalé à l’étranger. » L’atelier est l’un des derniers témoins d’un temps où le 20e arrondissement de Paris comptait plusieurs manufactures de passementerie.
Ici comme dans la plupart des ateliers français, les principales étapes du processus de fabrication demeurent inchangées depuis le XIXe siècle. Le fil est acheté écru et confié à un teinturier afin d’obtenir des coloris définis. Une fois qu’il a été dévidé sur bobines peut avoir lieu le réassortiment. Cette étape consiste à sélectionner et unir des fils de divers titrages (épaisseurs) et de différentes couleurs qui permettront de créer des éléments harmonieusement accordés au tissu de l’ameublement. Les fils peuvent alors être placés dans les métiers à tisser, être employés par le retordeur pour la création des câblés, ces cordelettes fréquemment utilisées dans la passementerie, ou encore être travaillés à l’établi. Car c’est toujours à la main et à l’aiguille que sont réalisés les plus fins travaux, qu’ils s’agissent de pompons, rosettes ou autres jasmins à migrets. C’est manuellement que les moules de bois ou les ossatures de cartons servant à donner les formes sont couverts de fil, puis que les divers éléments d’une passementerie sont assemblés.
D’après une documentation d’époque
La plupart des passementeries s’inspirent des heures glorieuses de cette spécialité, aux XVIIIe et XIXe siècles, sans négliger le renouveau des années 1930. « Nous avons beaucoup de pièces anciennes auxquelles se réfèrent les décorateurs lorsqu’ils nous passent de nouvelles commandes, remarque Éléonore Declercq de la maison Declercq Passementier. Cette collection nous est également utile lors des campagnes de restauration. » En matière de passementerie, on ne restaure pas. L’unique possibilité, quand il s’agit de rendre à un ensemble ses fastes passés, consiste à reproduire à l’identique les éléments endommagés. Pour ce faire, il faut avant toute chose pouvoir compter sur la maestria d’artisans émérites capables de comprendre les structures et les agencements subtils qui avaient été mis en œuvre lors de la création des pièces originales. Pour s’aider dans ces recherches de formes, matières, couleurs et techniques, les passementiers peuvent parfois compter sur une documentation d’époque. « C’était notamment le cas lors de la réfection du Grand Foyer de l’Opéra de Paris, se souvient Éléonore Declercq. Les gravures de Charles Garnier et de ses collaborateurs que nous avons pu consulter ont été d’une aide précieuse. » Afin de rendre au décor toute sa splendeur, une vingtaine de passementiers de l’entreprise se sont consacrés durant plusieurs mois au renouveau des décors. Plus de trois mille heures de travail ont été nécessaires pour reproduire les trente embrasses de 50 cm de hauteur pesant chacune 13 kg, les 50 m de frange moulinée à torsades des salons latéraux, ou encore la dizaine de grosses cartisanes des décors des rideaux.
Pour en savoir plus :
- Il n’existe pas de formation spécifique aux métiers de la passementerie, l’apprentissage au sein d’un atelier étant la seule « école ».
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Passementier
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°206 du 7 janvier 2005, avec le titre suivant : Passementier