Depuis quelques jours, les écoles supérieures de commerce, d’ingénieurs et d’art sont réunies sur un même site, facilitant leur pédagogie croisée.
Nancy. Art, technologie et management. Il y a dix-huit ans, l’École nationale supérieure d’art et de design de Nancy (Ensad), Mines Nancy et l’ICN Business School ont lancé un programme commun intitulé « Artem ». À l’origine, le projet consistait en quelques enseignements d’ouverture, fournis à des classes composées de quelques volontaires curieux. Les ateliers communs aux différents cursus se sont peu à peu intensifiés, ont gagné en importance et en pertinence. L’emménagement des trois écoles dans un nouveau campus, dans le quartier Blandan, à Nancy, vient sceller physiquement cette alliance. « Artem était une idée pédagogique avant d’être un bâtiment. Le campus n’est arrivé que pour concrétiser l’envie d’innovation dans la pédagogie », explique François Rousseau, directeur de Mines Nancy.
Si le projet de campus commun est évoqué dès l’an 2000, il faut attendre 2012 pour que la première école, Mines Nancy, intègre les locaux de l’avenue du Sergent-Blandan. À l’issue d’un concours en plusieurs lots, qui voit chaque école choisir un maître d’œuvre distinct pour ses propres locaux, c’est l’architecte Nicolas Michelin qui remporte le lot principal, et pose la première pierre en 2009. Il est l’auteur de la « galerie », une rue intérieure entièrement vitrée qui permet de passer d’une école à l’autre. Cet espace commun de 700 mètres de long se présente comme une agora écologique aérée, lieu de forum et d’ouverture sur la ville, dont les reflets roses et bleutés qui jonchent le sol sont devenus la signature visuelle de l’ensemble architectural.
Le coût de la construction s’élève à près de 250 millions d’euros, financés par : l’Europe, l’État, la Région, le Département – le tout sous une maîtrise d’ouvrage de la métropole du Grand-Nancy. Son président, André Rossinot, s’est félicité d’un lieu « capable de faire intelligence collective, autant dans sa conception (avec une coopération à tous les échelons, témoins les quatre ministères de tutelle concernés) […] que dans ses objectifs pédagogiques ».
Au sein des 10 hectares et plus de 40 000 mètres carrés de surface au sol (50 % pour Mines, 30 % pour l’ICN et 20 % pour l’Ensa), l’école d’art prend enfin ses quartiers en septembre 2016, suivie par l’ICN en mai 2017. L’Institut Jean-Lamour, unité mixte de recherche associée au CNRS et à l’université de Lorraine, a aussi intégré le campus. Enfin, la « Villa Artem », prévue pour 2020, hébergera résidences de scientifiques et d’artistes au sein du campus.
Des passerelles interdisciplinaires
Si la transversalité est toujours séduisante sur le papier, qu’en est-il concrètement ? Pour l’école d’art, elle est d’abord inscrite dans son ADN. L’Ensa est une des dernières écoles d’art de France à proposer trois options : l’art, le design, mais aussi la communication. Un choix que Christian Debize, directeur depuis 2010, assume, alors que la demande implicite des tutelles invite depuis dix ans à plus de spécialisation. « La transdisciplinarité est une chance, et la réussite de nos diplômés le montre en ce moment. » Une réalité sans doute différente selon les options.
Indéniablement, les compétences des designers et ingénieurs se complètent dans de nombreux ateliers, comme le « Game Lab », fabrique de jeux vidéo, où elles s’ajoutent et s’échangent avec succès. « Les passerelles entre design et sciences de l’ingénieur sont parmi les plus évidentes. À la fin du semestre, on ne sait plus à quelle école appartiennent les étudiants », note dans un sourire Christian Debize. L’atelier sur « l’humain augmenté » permet de faire travailler en laboratoire, en collaboration avec les hôpitaux nancéens, des élèves des trois écoles : des designers conçoivent un projet orthèse dont les matériaux sont optimisés par les ingénieurs, avant que les commerciaux s’occupent de la gestion de l’innovation par le service orthopédique. « Cet atelier est emblématique de l’esprit Artem, de son hyperdisciplinarité », explique fièrement Didier Fass, qui anime l’atelier.
Si de nombreux ingénieurs assistent au « cinéma plasticien » animé par Brigitte Zieger et Philippe Fernandez, les élèves de l’option art semblent moins prompts à changer totalement d’univers. Les ateliers Artem de « modélisation financière » proposés par les professeurs de l’ICN n’attirent aucun étudiant de l’Ensa. Certes, le déséquilibre des promotions (150 élèves par année aux Mines, près de 500 à l’ICN, une soixantaine à l’Ensa) explique aussi la mixité variable des ateliers. Mais les 8 à 10 crédits universitaires européens attribués par atelier selon les écoles, sur les 30 qu’il faut obtenir pour valider chaque semestre, montrent le poids attribué aux cours communs. « En moyenne, les élèves passent 30 % de leur temps pédagogique dans des ateliers partagés », précise Florence Legros, directrice de l’ICN.
Tout l’enjeu pour Artem est de montrer les bienfaits de cette pédagogie à moyen terme, pour toutes les filières et sans renier le cœur des métiers. « Il faut “artémiser” les bonnes idées, sans perdre de vue que l’excellence tient d’abord à la qualité des formations respectives », rappelle Christian Debize. Marie-Reine Boudarel, qui anime un atelier Artem sur les dynamiques territoriales, résume l’objectif : « Le but du jeu, c’est de parler la langue de l’autre, de comprendre que, pour un problème donné, plusieurs méthodes existent. » Rendez-vous est pris dans dix ans pour voir si la première génération Artem tient ses promesses.
NANCY. Lundi 22 mai, un pan de mur de l’École nationale supérieure d’architecture de Nancy s’est effondré, sans faire de victime mais en causant d’importants dégâts matériels. Les conclusions d’un audit d’urgence du bâtiment construit en 1995 seront communiquées sous peu. En attendant, l’école d’architecture s’est vue proposer plusieurs sites d’accueil. Si l’École européenne d’ingénieurs en génie des matériaux s’est proposée dès le 23 mai, la solution la plus facile pour l’école d’architecture serait de réintégrer les locaux que l’école d’art vient de quitter, avenue Boffrand.
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Nancy joue la carte transdisciplinaire
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Le nouveau campus Artem de Nancy. © ARTEM
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°481 du 9 juin 2017, avec le titre suivant : Nancy joue la carte transdisciplinaire