ARLES
L’école nationale supérieure de la photographie déménage dans un bâtiment flambant neuf. Un lieu lumineux et épuré, propice à marquer une nouvelle étape de son projet pédagogique.
Arles. Le 1er juillet, l’École nationale supérieure de la photographie (ENSP) inaugure son nouveau bâtiment signé Marc Barani. Au même moment, Les Rencontres d’Arles célèbrent leurs 50 ans. Ni l’un ni l’autre n’ont cherché à ce que les deux événements coïncident. Pourtant, sans la création du festival en 1970, l’école n’aurait pas vu le jour douze ans plus tard. Lucien Clergue, cofondateur des Rencontres, disait avoir voulu la créer avec Maryse Cordesse dès 1976. Trois ans plus tard, l’achat d’un hôtel particulier XVIIIe pour les Rencontres par le maire d’Arles de l’époque, rue des Arènes, et le recrutement par Lucien Clergue de l’universitaire Alain Desvergnes pour en être le directeur en ont constitué le socle. Ce dernier rédigea le projet, concrétisé à la suite de l’élection de François Mitterrand et la nomination de Jack Lang au ministère de la Culture.
L’École nationale de la photographie a fait partie des grands projets culturels présidentiels. Elle est la première du genre en France. Son changement de statut en École nationale supérieure de la photographie en 2004, l’a installée dans la filière de l’enseignement supérieur. Puis, le projet de déménagement dans un nouveau bâtiment (avenue Victor Hugo *) signé par Aurélie Filippetti en 2012 a mis fin à des années d’attente. Dans la foulée, le projet d’y adosser une structure d’accueil d’archives photographiques d’auteurs contemporains envisagé par Frédéric Mitterrand, son prédécesseur Rue de Valois, a été ajourné, puis oublié.
Coût de la construction : 23 millions d’euros financés à 70 % par l’État, la Région, la communauté d’agglomération et la Ville pour le reste, pour un budget prévisionnel de 20 millions d’euros. Sa situation, juste en face de la tour de Frank Gehry de la Fondation Luma, est idéale. Le départ fin juin de Rémy Fenzy clôt neuf ans de direction, dont huit à porter le projet de la nouvelle école, à suivre son chantier tout en faisant fonctionner et évoluer l’établissement. Après Alain Desvergnes, Alain Leloup (1997-2003) et Patrick Talbot (2003-2010), il a été le quatrième directeur de l’ENSP. Il quitte cependant ses fonctions sur fond de tensions avec une partie du personnel, du corps enseignant et des étudiants.
C’est donc plus qu’un nouveau chapitre qu’entame l’ENSP avenue Victor Hugo, le bâtiment de Marc Barani à l’épure minérale lumineuse, fonctionnel et vaste est équipé avec tout ce dont peut rêver une école photo. L’ENSP double ses espaces 5 000 m2 contre 2 400 m2 auparavant pour le même nombre d’employés, d’enseignants (7) et d’étudiants (75 au total) hors résidents et bénéficiaires des formations professionnelles.
En trente-sept ans, l’ENSP a formé près d’un millier d’étudiants, chaque promotion comptant 25 élèves pour un cursus de trois ans (dont 60 % de filles désormais et 17 % à 18 % d’étrangers). Chacun a construit son sillon, certains avec succès. Un tiers des diplômés sont devenus iconographes, conservateurs, commissaires d’exposition. L’ENSP à cet égard est une belle pépinière. Nombre de responsables d’institution sont passés sur ses bancs : de Florian Ebner responsable du département photo du Centre Pompidou à Nathalie Giraudeau du Centre Photographique d’Île-de-France ou Clément Chéroux conservateur en chef du service de photographie du MoMA. Rémy Fenzy est lui-même un ancien de l’école. La réputation de l’ENSP est toujours aussi bonne. Mais ses résultats de sortie (tout étudiant rentrant à l’école est quasi garanti de sortir diplômé) interrogent. « C’est une affaire entendue, et qui l’a toujours été sans avoir jamais été vraiment remise en cause », regrettent certains enseignants. « Ce qui conduit aujourd’hui certains étudiants à râler quand ils n’ont pas les félicitations du jury .»
Le concours d’entrée attire des candidats avec des années d’études de plus en plus longues et diversifiées (du droit à la médecine). Depuis deux ans, l’école a par ailleurs créé un doctorat de « création » en partenariat avec l’Université d’Aix-Marseille. Le choix du terme « création » et non de « photographie » est éloquent.
La perspective du nouveau lieu n’a pas été à ce titre sans poser la question au sein de l’établissement de la conservation ou non du terme « photographie » dans l’intitulé de l’école, au profit d’arts visuels, compte tenu de l’évolution du médium, de son usage et du contexte artistique et professionnel. Le résultat du vote organisé en 2015, et ouvert à tout le personnel administratif, enseignant et aux étudiants, a abouti à son maintien. « Il n’y a qu’une ENSP », nous dit-on. L’élargissement du nombre d’enseignants – passés des deux professeurs, Arnaud Claass et Christian Milovanoff – à sept aujourd’hui et du contenu des cours, n’a pas été toutefois sans poser régulièrement la pertinence de le conserver ou non.
Côté budget (3 millions d’euros), Rémy Fenzy rend les clefs d’un établissement en bonne santé avec des ressources propres conséquentes grâce à la formation professionnelle continue (500 stagiaires en moyenne par an) et un solide fonds de dotation qui compte Agnès b. pour présidente et pour membres : Neuflize Vie, Leica, Dior Parfum, la SNCF et LVMH. La location des studios et de leur équipement, de l’auditorium et les deux plateaux d’exposition de 200 m2 augmenteront les recettes.
La configuration actuelle et à venir de l’ENSP ne peut se dissocier du contexte local, porteur pour l’école et ses étudiants, que les Rencontres d’Arles, Luma Arles et la fondation Van Gogh emploient régulièrement. L’ouverture en 2020 de la Fondation Lee Ufan promet d’autres perspectives. En attendant, l’inauguration par Frank Riester des nouveaux locaux de l’ENSP réunira tout ce petit monde, y compris Françoise Nyssen, qui curieusement durant ces dix-sept mois passés à la tête du ministère de la Culture n’a jamais visité le chantier ni manifesté un grand intérêt pour l’établissement. La décision d’Actes Sud de ne plus éditer Infra-mince, la revue de l’école, depuis éditée par Filigranes avait marqué il est vrai le peu de liens tissés entre les deux institutions arlésiennes.
(*) Dans notre parution Le Journal des Arts n°526 datée du 21 juin 2019, nous avons écrit par erreur que le nouveau bâtiment de l'ENSP se situait boulevard Victor Hugo, il s'agit en fait de l'avenue Victor Hugo à Arles.
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L’école de la photo à Arles tourne une page de son histoire
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°526 du 21 juin 2019, avec le titre suivant : L’école de la photo à Arles tourne une page de son histoire