FRANCE
Synonyme de luxe et de raffinement, l’art du laque est l’héritier d’une tradition de quatre millénaires au long de laquelle se sont illustrées plusieurs générations d’artisans français.
Jacques Lee et son épouse sont parmi les derniers artisans laqueurs indépendants. Ils réalisent des tables et des meubles laqués suivant la technique traditionnelle. « La patience est la première vertu du laqueur, s’amuse Jacques Lee. Je couvre dans un premier temps un support de bois d’une toile fixée avec de la colle de peau de lapin. J’applique ensuite de fines couches d’un enduit constitué d’un mélange de blanc de Meudon et de colle de peau de lapin. L’égrenage puis le ponçage permettent enfin au support de devenir parfaitement lisse pour accueillir le décor. » L’artisan applique alors une teinte qu’il ponce à l’eau lorsqu’elle est sèche. « Une fois la teinte établie, vernie et poncée, je commence à reporter le dessin. S’il y a lieu, les reliefs, les gravures ou les applications d’or sont faites à cette étape. J’appose les couleurs, précise les contours dorés avec un pinceau fin et apporte grâce au bitume de nouveaux effets. La surface est enfin lavée, séchée, vernie, poncée à l’eau une dernière fois et lustrée jusqu’au brillant désiré. »
Roland Ingert travaille également seul. Ancien élève du maître laqueur Pierre Bobot dont il a repris l’atelier, il se consacre désormais à la restauration d’œuvres d’art. « Les gens qui me confient leurs objets me demandent le summum de la qualité. Je regarde les œuvres, et je les comprends », résume-t-il. Dans son atelier à Paris, le temps n’a plus prise, seuls comptent les laques, leurs histoires, leurs accidents et surtout leurs vies qui devront se poursuivre, chez des particuliers ou au Musée Guimet, bien après le passage entre les mains du laqueur.
Les plus importantes structures actives dans l’art du laque sont les héritières de l’engouement qu’a connu cette technique durant les Années folles. « Mon grand-père, grand invalide, a ouvert son atelier au lendemain de la guerre, en 1919 », explique Anne Midavaine, qui a repris l’atelier de son aïeul Louis Midavaine, l’un des principaux acteurs du renouveau du laque – quelques-unes de ses œuvres sont conservées au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. « Nous sommes connus pour notre procédé de laque craquelée qui permet un effet de miroitement particulier sur la surface tout en offrant une belle profondeur de la couleur, précise la laqueuse. Nous réalisons seulement des pièces sur mesure qui sont, soit gainées de laque, soit laquées directement. »
Appliquées à la création contemporaine, les laques retiennent depuis toujours l’attention des décorateurs et des artistes. Les ateliers A. Brugier (Paris) collaborent régulièrement avec les plus grands noms de la décoration d’intérieur ainsi qu’avec des créateurs comme Hervé van der Straeten ou Louis Cane. « Les artistes conçoivent des pièces avec des laques de Chine du XVIIIe siècle, précise Nicole Judet-Brugier. Nous amincissons des chutes de paravents anciens qui peuvent ensuite être plaquées sur des créations contemporaines. Le procédé n’est pas nouveau, il était déjà en vogue sous Louis XV. »
Les méthodes modernes de projection au pistolet coexistent avec les techniques traditionnelles qui privilégient l’application au pinceau. Employée par l’industrie du meuble à grande échelle, la laque au pistolet est également pratiquée sur mesure dans quelques rares ateliers. « Le fondateur de cet atelier, Paul-Étienne Saïn, a élaboré après la guerre les matériaux polyuréthanes en partenariat avec les laboratoires Valentine, explique Mireille Herbst, qui dirige aujourd’hui ALM Déco, au Pré-Saint-Gervais. C’est donc notre spécialité depuis toujours. Nos prédécesseurs ont beaucoup travaillé avec les grands décorateurs de leur époque et nous restaurons souvent des pièces qui ont été laquées chez nous à l’origine. »
Le devenir de la profession dans les vingt prochaines années est incertain. Les rares formations au métier privilégient la création plastique, et c’est plus vraisemblablement par le biais des artistes laquistes que se dessine l’avenir du laque, comme en témoignent les œuvres exposées par le LAC, une association qui, depuis 1978, réunit des plasticiens employant ce médium.
- École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art (ENSAAMA) Olivier-de-Serres, DMA Décor du mur (laque), 65, rue Olivier-de-Serres, 75015 Paris, tél. 01 53 68 16 99, lyc-olivier-de-serres.scola.ac-paris.fr - École Boulle, DMA Arts de l’habitat, spécialité traitement de surface, 9, rue Pierre-Bourdan, 75012 Paris, tél. 01 44 67 69 67, www.ecole-boulle.org Exposition - Laqueurs associés pour la création (LAC), jusqu’au 22 décembre, Voûte de la SEMA, 23, avenue Daumesnil, 75012 Paris, www.laques.com
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Laqueur
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°201 du 22 octobre 2004, avec le titre suivant : Laqueur