Comment encourager les collectionneurs

Les propositions du Comité des galeries d’art

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 5 décembre 1997 - 778 mots

Dans le JdA n° 48 (21 novembre), nous avions rendu compte de l’analyse du marché de l’art français dressée par le Comité des galeries d’art dans l’ouvrage qu’il publie le 15 décembre, Les galeries d’art en France aujourd’hui (L’Harmattan), à partir du colloque organisé en juin. Dans ce second article, nous nous attachons aux propositions formulées pour faire revenir les collectionneurs sur le marché français de l’art contemporain.

PARIS - Lors du colloque organisé en juin par le Comité des galeries d’art, plusieurs interventions avaient souligné que l’action publique ne peut pallier l’effacement des collectionneurs. Dans l’ouvrage qu’il publie, ces contributions sont regroupées sous le titre De l’utilité publique des collections privées. De Gilbert Edelson, vice-président de l’Association des négociants d’art américains à Adrien Maeght, presque tous les intervenants démontrent le rôle considérable joué par les collectionneurs, à l’exception notable du galeriste anglais René Gimpel. Celui-ci affirme que les arts plastiques sont le parent pauvre de la culture en Grande-Bretagne, où ils souffrent même d’une censure  puritaine, et qu’il y a donc très peu de collectionneurs. Pourtant, les galeries britanniques parviennent à faire des affaires en jouant le jeu de l’international (80 à 90 % de leurs transactions se font à l’exportation). Cette remarque pose un problème de savoir-faire commercial relativement peu évoqué lors du colloque.

Par contre, les avis sont partagés sur le rôle de l’État. S’il n’est pas étonnant que le représentant américain se félicite de l’absence d’intervention publique – remplacée par des incitations fiscales –, le seul collectionneur intervenant, l’industriel Michel Poitevin, déclare : “En tant que collectionneur, l’État ne m’a jamais gêné dans ma passion. Je n’attendais rien de lui, il ne m’a jamais empêché de faire des achats.”

Mécénat, droit de suite
La réflexion inclut nécessairement les questions patrimoniales et fiscales. Le problème de la liberté de circulation ne se pose pas réellement pour l’art contemporain, puisque les œuvres de moins de 50 ans d’âge ne sont pas soumises à contrôle. Le Comité des galeries d’art, pour encourager le développement des collections, propose d’étendre les dispositions de la loi de 1987 sur le mécénat d’entreprise – qui permettent actuellement aux entreprises la déduction sur 10 ans des achats d’œuvres d’artistes vivants – aux professions libérales, commerciales, industrielles artisanales ou agricoles avec un plafond annuel d’acquisition de 100 000 francs et une durée de déduction raccourcie à 5 ans. Pour éviter des détournements de marché, le Comité propose que seuls les achats aux galeries puissent bénéficier de cette mesure. De très longs développements sont consacrés au droit de suite. Les galeries d’art s’inquiètent du projet européen d’harmonisation qui les soumettrait à un droit dont elles sont exonérées en France, ce qu’elles considèrent équitable compte tenu de leur contribution – par une taxe parafiscale assise sur leur chiffre d’affaires – au régime de sécurité sociale des artistes. Pour limiter les incidences de l’harmonisation, le Comité propose en particulier que le droit de suite ne puisse s’appliquer à la première vente de l’œuvre par le galeriste. Sur cette question, les Actes apportent d’utiles compléments, en particulier un historique détaillé de la mise en place de la contribution des galeries et le détail du système allemand. 

Au sujet de la taxe forfaitaire (sur les plus-values réalisées par des particuliers), le Comité critique le différentiel de taux entre les ventes aux enchères taxées à 5 % et les achats des galeries taxés à 7,5 %, et relève les risques de délocalisation, les collectionneurs français pouvant être tentés de vendre hors de France à des intermédiaires sur lesquels le fisc français n’a pas de prise.

Critique en règle contre la TVA
Enfin, pour la TVA, le système issu de la 7e directive est soumis à une critique en règle, le Comité soulignant en particulier la distorsion entre la France et l’Alle­magne, qui a su obtenir une dérogation permettant de taxer les reventes au taux réduit (7 %), alors que les reventes des galeries françaises sont soumises au taux normal. Plutôt que des aménagements techniques qui pourraient laisser subsister des distorsions entre les États européens – ainsi, le marché britannique de l’art contemporain est en matière de TVA aussi mal loti que le marché français –, le Comité propose d’inclure les œuvres d’art parmi les biens et services pouvant bénéficier du taux réduit. Il est difficile d’apprécier parmi ces différentes propositions lesquelles seront les plus à même d’encourager les collectionneurs. Pour répondre globalement à la question, on doit revenir à ce qui était implicite dans cette rencontre. Peut-on imaginer des collectionneurs heureux au milieu de galeries sinistrées, et concevoir des galeries en bonne santé si tous les opérateurs du marché ne reconnaissent pas leurs rôles et leur compétences complémentaires ?

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°49 du 5 décembre 1997, avec le titre suivant : Comment encourager les collectionneurs

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