Diplômés de l’École de Chaillot, les architectes du patrimoine regroupent des professionnels indépendants, les architectes et urbanistes de l’État et les architectes en chef des monuments historiques.
« L’appellation d’architecte du patrimoine, qui ne correspond pas encore à un titre officiel (1), s’applique à l’ensemble des architectes diplômés du Centre des hautes études de Chaillot (CHEC) », explique Denis Froidevaux, président de l’Association des architectes du patrimoine. Future composante de la Cité de l’architecture et du patrimoine, ce prestigieux établissement fondé en 1887 s’adresse à des architectes diplômés et déjà en exercice, désirant se spécialiser dans le domaine du patrimoine architectural, urbain et paysager. Après une sélection sur dossier et entretien – un tiers des 300 candidats franchit le cap des épreuves d’entrée –, les élèves sont initiés durant deux ans (à raison de deux jours tous les quinze jours) à l’histoire de l’architecture et des arts monumentaux, à l’intervention (conservation, restauration et réutilisation) sur des sites et édifices patrimoniaux, aux techniques anciennes de production du bâti et à l’analyse de villes et de centres historiques d’un point de vue patrimonial et d’usage (habitat, circulation, équipement). Alternant cours magistraux, visites de chantier et séminaires d’approfondissement, les études sont sanctionnées par un diplôme estampillé « CHEC ». « Les architectes traditionnels connaissent mal le bâti ancien, alors que celui-ci représente la grande majorité des travaux qui leur sont confiés. L’École de Chaillot permet d’acquérir les capacités de réflexion nécessaires à toute forme d’intervention sur “l’existant”. De plus, elle apporte une culture du diagnostic (historique, architectural, archéologique…) qui est fondamentale », déclare Denis Froidevaux. « Pour comprendre les particularités artistiques et techniques d’un monument, des études préliminaires et des investigations poussées sont indispensables », renchérit Frédéric Didier. Comme ses cinquante confrères, ce dernier est passé par Chaillot avant de présenter le concours national (catégorie A) d’architecte en chef des Monuments historiques. Jusqu’ici ouvert de manière sporadique par le ministère de la Culture, ce concours devrait connaître des années plus fastes, l’État projetant de doubler l’effectif de ces architectes d’ici à 2006 (2). Ayant pour missions la protection, la conservation et la mise en valeur du patrimoine architectural, ces agents de l’État à exercice libéral (3) donnent leur avis sur les immeubles susceptibles d’être protégés par la loi du 31 décembre 1913 (4). Ils sont également chargés de surveiller (avec les architectes des Bâtiments de France) l’état sanitaire des édifices protégés, et participent à la programmation annuelle des travaux réalisés ou financés par l’État au titre de monuments historiques. « Parallèlement à ces fonctions de conseil et d’assistance au maître d’ouvrage, nous intervenons en tant que maîtres d’œuvre lorsque les travaux concernent des immeubles classés ou subventionnés par l’État. Si les mesures conservatoires d’urgence sont insuffisantes, nous proposons alors un programme de restauration », précise Bruno Decaris, réputé pour ses conceptions radicales en la matière. « Lorsqu’on a les éléments pour restaurer, il faut le faire, mais lorsque les archives documentant les parties manquantes sont absentes ou lacunaires, mieux vaut créer », déclare l’architecte qui n’a pas hésité, par exemple, à faire largement usage du béton au donjon de Falaise (Normandie). Pour Frédéric Didier, « s’il est dangereux de faire du “faux vieux” sans fondements historiques, le patrimoine ne doit pas non plus devenir le faire-valoir d’une création contemporaine. Toute la difficulté consiste à harmoniser l’ancien et le moderne ». Une gageure qui demande selon lui de la sensibilité, une réelle culture artistique et surtout un œil. « Un architecte doit savoir regarder et décrypter un édifice ancien. » Pour ce faire, le spécialiste conseille la pratique assidue du dessin – « qui force à analyser » – et des études poussées en histoire de l’art, en particulier à l’École du Louvre.
Symbiose entre l’ancien et le moderne
Au nombre de 700, les architectes du patrimoine regroupent également les architectes et urbanistes de l’État (AUE, spécialité « Patrimoine architectural, urbain et paysager »), corps qui comprend depuis 1993 les architectes des Bâtiments de France et les urbanistes d’État. Recrutés à l’issue d’un concours national (catégorie A) auquel prépare l’École de Chaillot, ces fonctionnaires participent à l’encadrement des services départementaux de l’Architecture et du Patrimoine (SDAP), services déconcentrés du ministère de la Culture. Chargés de la protection des bâtiments, ensembles urbains, sites et paysages, ils ont essentiellement des missions de conservation et d’entretien, déterminant et dirigeant les travaux de réparation courante sur les monuments historiques et autres bâtiments. Ils veillent en outre à l’application de la législation sur les monuments protégés, et émettent des avis sur les demandes d’autorisation de construire, de démolir ou d’aménager.
Mais les deux tiers des architectes du patrimoine exercent en libéral ou sont salariés en agence. « Comme les 27 000 architectes reconnus, nous intervenons dans des domaines très variés : la construction neuve, la réhabilitation, la reconversion de bâtiments, les études d’urbanisme… Mais notre spécialisation patrimoniale nous sensibilise à l’histoire du bâtiment et à son environnement, et favorise un raisonnement en termes de symbiose et non de confrontation entre le bâti ancien et moderne », estime Denis Froidevaux.
(1) Mais devrait le devenir dans le cadre de la réforme en cours de l’École de Chaillot.
(2) C’est l’une des mesures du Plan pour le patrimoine de Jean-Jacques Aillagon. Un concours pour recruter dix architectes en chef des Monuments historiques supplémentaires a d’ores et déjà été ouvert (arrêté du 1er août 2003), et d’autres sont prévus prochainement.
(3) Parallèlement à leurs missions pour l’État, rémunérées sous forme de vacations et d’honoraires, ils sont habilités à exercer en libéral.
(4) Selon les termes de cette loi, « les immeubles dont la conservation présente, du point de vue de l’histoire ou de l’art, un intérêt public » peuvent être classés parmi les monuments historiques, tandis que « les immeubles qui, sans justifier une demande de classement immédiat, présentent un intérêt d’histoire ou d’art suffisant pour en rendre désirable la préservation peuvent être inscrits à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques ».
- Centre des hautes études de Chaillot (CHEC), 1 place du Trocadéro, 75016 Paris, tél. 01 58 51 52 00, chec@culture.gouv.fr - Association des architectes du patrimoine, Palais de Chaillot, 1 place du Trocadéro, 75016 Paris, tél. 01 56 58 00 75. - Pour le concours d’AUE, s’adresser au ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement, Bureau du recrutement, tél. 01 40 81 21 22 (10h-13h) ou 08 26 02 27 00, www.equipement.gouv.fr. - Pour le concours d’architecte en chef des Monuments historiques, contacter la direction de l’Architecture et du Patrimoine, 65 rue de Richelieu, 75002 Paris, tél. 01 40 15 81 08.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Architecte du patrimoine
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°183 du 19 décembre 2003, avec le titre suivant : Architecte du patrimoine