BORDEAUX - Dans le milieu des viticulteurs bordelais, Bernard Magrez est connu comme le loup blanc.
Propriétaire de trente-sept vignobles dans le monde, produisant près de 4 millions de bouteilles par an, cet homme d’affaires est réputé pour sa dureté. Il n’en possède pas moins une fibre philanthropique, qui se matérialise aujourd’hui dans le tout nouvel « Institut culturel Bernard Magrez ». Déployée sur trois lieux, cette mini-« Villa Médicis » accueillera en résidence des plasticiens, musiciens et écrivains. Le projet a débuté l’an dernier avec le concours « Un vignoble, une émotion », lancé en partenariat avec l’École des beaux-arts de Bordeaux. Chaque candidat a reçu un chèque de 4 000 euros, la lauréate bénéficiant d’une résidence qui débute cet automne à l’hôtel Labottière, fleuron de l’architecture bordelaise du XVIIIe siècle. Cet hôtel particulier offrira par ailleurs un espace d’une surface de 450 m2 segmentée en cinq salles, réceptacle pour des expositions « transgénérationnelles ». « Il s’agira de raconter le parcours d’un créateur et la réinterprétation qu’en font d’autres artistes », précise Ashok Adiceam, directeur de l’Institut. « Le but, c’est de faire aimer l’art contemporain, qui est parfois rejeté. Ce n’est pas tant la faute de l’art lui-même que de la manière dont il est présenté », ajoute Bernard Magrez. À ce dispositif se greffe un lieu d’exposition de 150 m2 destiné à accueillir, tous les deux à trois mois, des projets conçus par des galeries bordelaises ou parisiennes. Pour le versant littéraire, l’Institut lancera un concours annuel ouvert aux jeunes normaliens et agrégés de lettres, lesquels devront rédiger une vingtaine de pages sur le thème de l’amitié, clin d’œil à la complicité entre Montaigne et La Boétie. Le lauréat bénéficiera d’un prix de 50 000 euros et d’une résidence au Château La Tour Carnet. Le volet musical de l’Institut prendra pied au Château Fombrauge, où les résidents pourront s’exercer sur un Stradivarius récemment acheté par Magrez.
Accrochage hétérogène
Plus proche du pot de fin de chantier que d’une exposition de préfiguration, l’inauguration organisée à fin du mois d’avril à l’hôtel Labottière trahit aussi une méconnaissance des codes de l’art contemporain. Mêlant sculptures animalières, calices, peintures de Bernard Buffet issues des collections de Bernard Magrez et œuvres des lauréats de l’École des beaux-arts, l’accrochage hétérogène laissait le visiteur interloqué. La présence d’un film commandé à Benoît Maire faisait du coup figure d’ovni. Les critiques ne semblent toutefois pas affecter le mécène. « Je fais ce que je veux, je le fais à ma manière, avec la dimension de ce que je peux donner, réplique-t-il. Je n’ai de comptes à rendre à personne sauf à mes propres souhaits, qui sont de mettre en valeur des gens qui le méritent. » Dans le milieu bordelais, où les domaines viticoles commencent tout doucement à s’ouvrir à l’art contemporain, l’initiative de Bernard Magrez fait certes événement. « Il ne veut pas choquer ou ébouriffer dès le début, observe le galeriste Thomas Bernard, de Cortex Athletico. L’Institut peut être un modèle et une inspiration pour d’autres Bordelais. »
Si l’outil est bien là, les contours méritent toutefois d’être fixés et le projet, solidifié. Car aussi puissant soit-il, Bernard Magrez est attendu au tournant.
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Une « Villa Médicis » bordelaise
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°347 du 13 mai 2011, avec le titre suivant : Une « Villa Médicis » bordelaise