Dans le sillage du Salon du dessin, plusieurs ventes consacrées au dessin ancien sont organisées à Paris. Christie’s ouvrira le bal, le 21 mars, avec une vente prestigieuse qui marquera l’entrée sur le marché français du dessin pour la célèbre maison anglaise. Le lendemain, l’étude PIASA proposera une vacation composée d’œuvres allant du XVIe au début du XXe siècle, assez proche de celle que dirigera Me Tajan le 25 mars. Enfin, la dispersion d’une importante partie de l’atelier d’André Derain, comprenant plus de 4 200 œuvres graphiques, les 23 et 24 mars, devrait séduire les amateurs de dessin moderne.
Placée sous le signe du prestige, la première vente parisienne du département des dessins anciens de Christie’s aura lieu le 21 mars. Elle dispersera notamment la collection de Pierre de Charmant, consacrée aux dessins maniéristes, et celle de Pierre Decourcelle qui regroupe dix dessins français et italiens du XVIIIe siècle, à elle seule estimée 900 000 euros. Cette dernière rassemble en particulier cinq dessins de Francesco Guardi, qui selon Nicolas Schwed, expert en charge de la vente, sont d’une qualité extrêmement rare sur le marché. Deux d’entre eux appartiennent à un même ensemble d’études pour une série de cinq toiles commandées en 1782, destinées à célébrer le séjour à Venise du pape Pie VI. Une vue du Campo S. Zanipolo avec la plate-forme temporaire érigée contre la Scuola di San Marco pour la bénédiction du pape Pie VI le 19 mai 1782, estimée 200-300 000 euros, est l’étude préparatoire d’une composition dont existent trois versions conservées à l’Upton House, à l’Ashmolean Museum (Oxford) et au Musée de Dresde. La seconde feuille représente La Scuola di San Marco avec la plate-forme temporaire érigée pour la bénédiction du pape Pie VI le 19 mai 1782. Estimée 250-350 000 euros, cette étude est considérée par Antonio Morassi, auteur du catalogue raisonné de Guardi, comme étant caractéristique de la “vision frémissante” de l’artiste. Parmi les œuvres françaises de la collection, un portrait à la craie noire et encre brune de Fragonard représentant Le Nain Bajocco debout entre deux bornes. Cette feuille, estimée 100-150 000 euros, immortalise un célèbre mendiant romain surnommé du nom des piécettes qu’il convoitait. Enfin, une composition à la craie rouge d’Hubert Robert intitulée Un dessinateur assis à une table, de profil à gauche, dessinant un buste de femme, réalisée en 1765, est une version remarquable d’un des sujets préférés de l’artiste (100-150 000 euros).
L’autre grande collection qui sera proposée, celle de Pierre de Charmant, est composée de 120 dessins d’influences maniéristes, datés des années 1520-1620 et pour l’essentiel italiens. Les fleurons de cet ensemble sont Une étude de nu masculin du XVIe siècle, du sculpteur Baccio Bandinelli estimée 40-60 000 euros, une étude d’homme assis dite Ecce Homo à la pierre noire et sanguine rehaussée de blanc de Cecco Bravo estimée 30-50 000 euros ou encore une Étude de cheval, de face à la plume et encre brune de Jacques Callot estimée 25-35 000 euros.
Plusieurs œuvres indépendantes viendront compléter ces deux grands ensembles. On remarquera notamment un Ange jouant du violon du Guerchin (estimé 20-30 000 euros), un dessin de Domenico Tiepolo, extrait de ses études sur le Nouveau Testament, illustrant une chute du Christ sur le chemin de croix, estimé 30-45 000 euros, ou encore des œuvres de Natoire, Greuze, Saint Aubin...
Les ventes de Drouot
Les deux ventes proposées par les études PIASA et Tajan seront également consacrées aux dessins anciens. Les experts, Bruno et Patrick de Bayser, les qualifient volontiers de complètes, puisqu’elles proposent deux larges panoramas d’œuvres allant du XVIe au XXe siècle. Les plus belles pièces anciennes figurent toutefois sur le catalogue de l’étude PIASA, qui présente quatre dessins de Giorgio Vasari ayant appartenu au collectionneur Jabach. Parmi ceux-ci figurent Les Noces de Cana, feuille également attestée dans la collection Vivant Denon, estimée 46-60 000 euros. Le XVIIe siècle français sera particulièrement à l’honneur lors de la vacation, puisqu’un ensemble de quatre-vingts dessins issus d’une même collection sera dispersé, complété de quelques œuvres indépendantes. La pièce la plus attendue de cette section est un dessin au crayon noir de Laurent de La Hyre, Marc-Antoine et Cléopâtre. Cette feuille inédite sur le marché faisait partie d’un ensemble d’œuvres de La Hyre réunies dans la collection Paignon-Dujonval, dont les autres éléments sont aujourd’hui conservés au British Museum de Londres et au Metropolitan Museum à New York. Elle est estimée 30-40 000 euros. De nombreux dessins de Fragonard seront proposés dont La Cavalcade, une composition au crayon noir disparue du marché depuis le XIXe siècle, estimée 45-60 000 euros, et Les Jardins d’une villa italienne, estimé 12-15 000 euros. Six dessins de Boucher, comprenant notamment quatre esquisses en vue de l’illustration des œuvres de Molière, compléteront la section consacrée au XVIIIe siècle. À la fin de la vente seront proposées des œuvres de Delacroix, Guys, Degas, Millet, Rodin et un petit Paysage à Guernesey, (13-15 000 euros) à la plume et encre brune, rehaussé de gouache et encre, réalisé par Victor Hugo en 1858.
Parmi les 230 lots que compte la vente de l’étude Tajan figurent quelques pièces exceptionnelles très attendues. En premier lieu, un superbe paysage de Poussin, véritable rareté, dans lequel l’artiste a placé un dessinateur, rappel de sa propre condition, qui est estimé 100-120 000 euros. Un pastel de Boucher, représentant mademoiselle O’Murphy, sœur de la maîtresse de Louis XV, allongée sur le ventre, sera le fleuron de la section consacrée au XVIIIe siècle (100-120 000 euros). Seront également proposés 25 dessins de Delacroix, pour la plupart issus d’un même ensemble. Cinq d’entre eux sont exceptionnels tel le dessin Sept études d’Indiens Ojiwas (25-30 000 euros), réalisé à la plume à l’automne 1845 lors de la tournée européenne d’une troupe américaine dont le spectacle fit grand bruit dans les cercles artistiques parisiens, ou encore Quatre études d’Arnautes, aquarelle gouachée estimée 45 000 euros, et dont une des figures peut être rapprochée de l’homme blessé des Massacres de Scio. Enfin, la section moderne comportera un dessin au fusain et crayons de couleur de Millet, Paysage : bosquet d’arbres au bord de l’eau, estimé 110 000 euros.
L’œuvre intime de Derain
En marge des salles parisiennes aura lieu à Saint-Germain-en-Laye une vacation de deux jours qui dispersera la plus grande partie de l’atelier d’André Derain. Cette vente procédera à la succession de Raymonde Knaublich, modèle et maîtresse du peintre, mère de son fils naturel Bobby dont elle a hérité en 1992. Composée de plus de 4 200 dessins, gouaches et aquarelles, 51 bronzes, 49 terres originales, 44 tableaux, de livres, d’une tapisserie et de plusieurs estampes, la vacation proposera l’œuvre véritablement intime de Derain. Les estimations avancées par les experts, Agnès Sevestre-Barbé et Amaury de Louvencourt, semblent particulièrement faibles puisqu’elles correspondent à l’inventaire notarié effectué lors de la mise sous tutelle de Mme Knaublich, et ne reflètent donc pas la véritable cote de l’artiste. Au rang des pièces les plus importantes, un Autoportrait au chapeau, réalisé à la sanguine vers 1935 (estimé 3 800 euros), une Étude de costume à la gouache (estimée 1 200 euros), vraisemblable recherche pour l’illustration du personnage de Pantagruel ou encore une petite gouache représentant un félin, également estimée 1 200 euros. Les dessins proposés gravitent autour de quelques thèmes : études d’animaux, de costumes, portraits, beaucoup de nus de Raymonde et quelques dessins érotiques. La plupart des lots regroupent dix à vingt dessins, et sont généralement estimés entre 1 200 et 1 500 euros.
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Une semaine dans les salles...
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°144 du 8 mars 2002, avec le titre suivant : Une semaine dans les salles...