PARIS
Au terme d’une élection mouvementée, la Bulgare Irina Bokova a été désignée directrice générale de l’Unesco.
PARIS - L’élection au poste de directeur général de l’Unesco devait être une formalité pour Farouk Hosni. Elle aura finalement tourné au camouflet pour le ministre de la Culture d’Hosni Moubarak, le président égyptien, engagé personnellement dans cette campagne. Le 22 septembre, après cinq tours de scrutin organisés sur plusieurs jours, c’est finalement une personnalité outsider, la Bulgare Irina Gueorguieva Bokova, actuellement ambassadrice de la Bulgarie à Paris et auprès de l’Unesco (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture), qui l’a emporté par 31 voix contre 27. Faute de majorité des suffrages du Conseil exécutif, les candidats auraient été départagés par tirage au sort. L’élection du successeur du Japonais Koïchiro Matsuura, en poste depuis dix ans, devra encore être entérinée le 15 octobre, lors de la prochaine Conférence générale, réunissant les 193 États partie en assemblée plénière.
« Œuvrer au dialogue des civilisations »
Cette élection aura mis en ébullition l’organisation internationale, où l’atmosphère est d’ordinaire plus feutrée. Donné largement favori avant le premier tour, Farouk Hosni a en effet essuyé le feu des critiques, y compris au sein de l’Unesco. Plusieurs intellectuels, parmi lesquels le Prix Nobel de la paix Elie Wiesel, se sont publiquement émus de la teneur de propos tenus par l’inamovible ministre de la Culture égyptien, en poste depuis vingt-deux ans. En 2008, devant le Parlement égyptien, Farouk Hosni aurait ainsi déclaré souhaiter brûler « lui-même » les livres en hébreu des bibliothèques de son pays. D’autres critiques ont par ailleurs porté sur la censure qu’aurait exercée le ministre de la Culture à l’encontre de plusieurs intellectuels et journalistes. Malgré des excuses publiques publiées dans Le Monde, Hosni n’est donc pas parvenu à rassurer, suscitant l’embarras de la France, l’Égypte étant l’un de ses principaux partenaires au sein de la fébrile Union pour la Méditerranée (UPM). Avant le scrutin, les candidatures adverses se sont multipliées, et ont donné lieu à d’intenses tractations en marge des tours de vote successifs. Mais c’est l’annonce du retrait, à l’issue du troisième tour, de Benita Ferrero-Waldner – donnée comme la seule capable de contrer Hosni – qui a fait pencher la balance. La commissaire européenne autrichienne a en effet appelé, à mots couverts, à faire barrage au candidat égyptien au nom du « plein respect des valeurs morales et des idéaux de l’Unesco ». Dans ce contexte de tension inhabituel, Irina Bokova, dès l’annonce des résultats, a souhaité faire taire toute polémique, rappelant son amitié pour Farouk Hosni. Les proches du perdant et la presse égyptienne n’ont en effet pas manqué de s’indigner du barrage dressé contre leur candidat, qui aurait été le premier Arabo-musulman à diriger l’institution. C’est donc un autre symbole qui s’est finalement imposé : celui de la première femme à y être élue. Âgée de 57 ans, diplomate de carrière et polyglotte, Irina Bokova est née dans l’ancien bloc communiste. Elle entend aujourd’hui œuvrer « au dialogue des civilisations » et à la construction d’un « nouvel humanisme ». Il lui faudra rapidement convaincre après cette élection à l’arraché, la plus houleuse figurant dans les annales de l’Unesco.
Une mission absconse
À quoi sert l’Unesco ? Installée à Paris, l’organisation internationale a été créée en 1945 comme agence spécialisée des Nations unies. Sa mission est des plus ambitieuses – et absconses –, puisqu’il s’agit de « construire la paix dans l’esprit des hommes à travers l’éducation, la science, la culture et la communication ». L’idéal pacifiste sous-tend donc son action : l’éducation et la culture doivent ainsi servir de ciment pour éviter les conflits. Dans les faits, son action se déploie principalement dans le lancement de programmes spécifiques et la rédaction de conventions internationales (liées au droit d’auteur, au patrimoine culturel et naturel mondial, à la diversité culturelle…). Employant près de 2 000 fonctionnaires internationaux, l’Unesco est aussi une lourde machine bureaucratique, qui tente aujourd’hui de se décentraliser. Mais l’institution doit faire avec un budget en dents de scie, qui dépend largement des dons des états, notamment des États-Unis, retirés de l’institution de 1984 à 2003. Son action la plus connue demeure l’établissement de la Liste du patrimoine mondial, dont l’efficacité et la gestion, du fait de l’afflux croissant de candidatures, posent aujourd’hui question.
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Une femme à la tête de l’Unesco
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°310 du 2 octobre 2009, avec le titre suivant : Une femme à la tête de l’Unesco