Alors que se préparent les 19e Journées du patrimoine, la destruction arbitraire de l’église Saint-Paul à Pont-Audemer (Eure), malgré l’intervention de la justice, souligne la fragilité d’un patrimoine soumis au bon vouloir d’édiles bornés.
PONT- AUDEMER - Pour mieux protéger et entretenir le patrimoine, il faut, nous disent nos nouveaux dirigeants, accroître la décentralisation et donner plus de responsabilités aux collectivités territoriales. Le sort de l’église Saint-Paul, à Pont-Audemer dans l’Eure, invite à modérer ces enthousiasmes.
Récemment, la nef de cet édifice, à l’abandon depuis des décennies, s’effondre, exauçant ainsi le vœu du maire qui souhaitait l’aménager en “ruine romantique”. Demeurait toutefois, à côté d’un clocher assez médiocre du XIXe siècle, le chœur de l’église, datant des XIIe et XIIIe siècles, qui pouvait avec quelques aménagements être transformé en chapelle. “Depuis des années, nous demandions une restauration à la municipalité, rappelle Valentine Goetz, de l’association de Sauvegarde des patrimoines de la Basse-Seine (SPBS). En 1998, nous avions obtenu un devis de 20 000 francs pour une mise hors d’eau !” Malgré la modestie de la somme, la municipalité, propriétaire du bâtiment, refuse d’agir, prenant ainsi la responsabilité du premier sinistre. Elle est également restée sourde aux mises en garde de l’architecte des Bâtiments de France et du conservateur des Monuments historiques.
Au début de l’été, sans délibération préalable du conseil municipal ni permis de démolir, le maire, Gaston Lecureur (PS), décide de procéder au démontage de l’église, qui n’était pas protégée au titre des monuments historiques. Le 3 juillet, le tribunal administratif de Rouen, saisi en référé par la SPBS, ordonne la suspension des opérations de démolition. Le lendemain, la municipalité, qui était invitée à présenter des justifications au juge, fait démolir à la pelleteuse ce qui restait de la malheureuse église. Cette précipitation, a expliqué le maire, avait pour but d’éviter le “pillage” des éléments non démontés. Manifestation pure de l’inculture et de la bêtise, la destruction (“une décision courageuse et nécessaire”, selon Gaston Lecureur), n’avait même pas pour but de permettre une opération immobilière ou urbanistique, puisque le bâtiment était situé dans l’enceinte d’un cimetière, lui-même mal entretenu. Après la confirmation de l’ordonnance de référé, la Ville demande au Conseil d’État d’annuler cette décision qui, de toute façon, était exécutoire dès l’origine. De son côté, la SPBS veut engager des poursuites pénales contre l’édile et obtenir la reconstruction du chœur.
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Une église trop romantique
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°154 du 13 septembre 2002, avec le titre suivant : Une église trop romantique