Le souvenir de Casanova déferle sur la région Languedoc-Roussillon en une trentaine d’expositions. Avec lui est célébrée l’idée même de liberté.
Après « Chauffe, Marcel ! » en 2006, inspiré par la survivance des idées et principes duchampiens, puis « La dégelée Rabelais » en 2008, qui tous deux avaient posé le principe d’un vaste événement artistique estival pensé à l’échelle de toute une région, le FRAC Languedoc-Roussillon est, cette année, à l’initiative de « Casanova forever ». Son directeur, Emmanuel Latreille, exerce une fois encore un rôle de chef d’orchestre en fédérant des structures de divers ordres (publiques, privées ou associatives) réparties sur les cinq départements que compte la région, chacune d’entre elles étant restée libre d’organiser sa propre exposition inspirée par la thématique générale. Parmi les trente-trois présentations auxquelles il donne lieu, pour un total de quelque cent vingt artistes, l’événement a gagné à sa cause de nouveaux partenaires, parmi lesquels le Musée régional d’art contemporain de Sérignan (Hérault) qui a ouvert le bal des inaugurations le 19 juin.
Mais pourquoi Casanova ? Car, au-delà d’être une figure littéraire et historique qui, tout comme Rabelais, peut devenir l’argument d’une série d’expositions, le célèbre Vénitien, qui vécut entre 1725 et 1798, a été un véritable touche-à-tout paré de multiples casquettes (écrivain, diplomate, musicien, aventurier…). Selon Emmanuel Latreille, il a été « capable de construire son propre mythe et de faire de sa vie une œuvre d’art. Il a fait converger le réel de sa vie avec la fiction de son œuvre littéraire. » Et ce à l’aube de la modernité, où progressivement pâlit la prééminence du religieux sur l’ordre social. Autant de caractéristiques qui le font ici considérer comme « l’inventeur de la subjectivité moderne ». Son passage en plusieurs endroits de la région est en outre attesté en 1769, ce qui ne manque d’ajouter une forme de légitimation géographique, toujours bienvenue dans ce type d’opérations.
Jeu, séduction et évasion
C’est donc de l’esprit de Casanova que se sont emparés les artistes, avec une majorité de projets monographiques ou de confrontations en duo, l’enjeu ayant été pour chacun de s’inspirer du personnage plus que de proposer une illustration de son œuvre ou de ses faits et gestes. La manifestation est ainsi placée sous le signe de la liberté qui est, ici, mise en musique. Une liberté pour l’essentiel envisagée à l’aune de trois idées maîtresses que sont le jeu, la séduction et le désir, et l’évasion. De jeu, il est question dans le vaste accrochage donné à voir à Sérignan, où « Ecce Homo Ludens », seule exposition de groupe du parcours, s’intéresse à l’influence du jeu dans l’art moderne et contemporain, et à la figure du joueur dans toutes les acceptions du terme, y compris musicale et théâtrale. Au côté de la tour Eiffel de Chris Burden transformée en une sorte de manège (Another World, 1992), on retrouve des artistes tels George Maciunas, Présence Panchounette, Arnaud Labelle-Rojoux ou Marcel Broodthaers.
Dans l’ordre de la séduction, interpellent les clichés d’Inez Van Lamsweerde et Vinoodh Matadin présentés à la Coopérative de Montolieu (Aude), ou les tableaux d’Aude du Pasquier Grall à la galerie Chantiers Boîte Noire à Montpellier. Inspiré par la spectaculaire évasion de Casanova de la prison des Plombs, à Venise, en 1755, le duo Grout/Mazéas intervient dans la chapelle des Jésuites, à Nîmes, avec une nouvelle installation. Une idée de fuite et d’évasion que l’on retrouve dans les toiles de Jacques Monory (série des Meurtres, 1968), accrochées à la forteresse de Salses-le-Château (Pyrénées-Orientales).
La liberté, c’est également celle de l’écriture et du récit. À l’instar de la belle installation de Tom Friedman dans les locaux du FRAC Languedoc-Roussillon, à Montpellier. L’artiste y déploie Up in the Air (2009), très vaste installation faite de dizaines d’objets hétéroclites suspendus au plafond, et comme arrêtés dans le temps, en attente d’une nouvelle matérialisation potentielle au gré d’une hypothétique reconfiguration. Tout se passe comme si se matérialisait dans l’espace un récit fragmenté, laissant ouverts l’ordre de lecture et l’ordonnancement de la trame. Une autre forme de liberté.
Jusqu’au 3 octobre, dates et lieux divers, FRAC Languedoc-Roussillon, 4, rue Rambaud, 34000 Montpellier, tél. 04 99 74 20 35, www.fraclr.org, jours et heures d’ouverture variables. Catalogue, coéd. Dilecta et FRAC Languedoc-Roussillon, 320 p., 39 euros, ISBN 978-2-9162-7572-7
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Un vent de liberté souffle sur le Sud
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissaire général : Emmanuel Latreille, directeur du FRAC Languedoc-Roussillon
- Nombre d’expositions : 33
- Nombre de communes : 16
- Nombre d’artistes : environ 120
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°329 du 9 juillet 2010, avec le titre suivant : Un vent de liberté souffle sur le Sud