S’impose d’abord, à revoir La Planète des Singes (1968), une brutalité que le décevant remake de Tim Burton, où elle s’affiche pourtant davantage, n’a pas su retrouver. Ici commande une austère économie de série B : violence dure, déserts rocailleux, Charlton Heston en slip de peau, et partout d’hostiles Singes bardés de cuir noir. Mais en son aridité, la fable empruntée par Schaffner au roman de Pierre Boulle n’est pas transparente, elle croise deux hypothèses qu’elle n’a pas soin de séparer. La prophétie d’une fin de l’homme vers l’an 3000, suivie du règne simien. La stricte inversion des places de l’Homme et du Singe – entendez bien que l’analogie elle-même soit douteuse : du Blanc et du Noir. Entre les deux, le film ne choisit pas. Mieux : bloque tout espoir de choix. Capital à cet égard est le fameux maquillage, qui humanise les singes tout en isolant chez eux un insécable noyau de risible laideur simiesque. Tout autant qu’Heston tenu en laisse, ils sont les cobayes d’une expérience qui se donne à la fois comme plausible et illisible, voire délirante. D’un même geste, sa nudité la rend parfaitement claire et parfaitement obscure. La Planète des Singes, cruel ou désespéré, attaque de front mille douloureux problèmes – théologique, anthropologique, etc. –, qu’assez vite il pousse dans un cul-de-sac aussi bien figuratif que politique. Etrange opération, où gît sans doute le secret de sa force toujours intacte.
- La Planète des Singes (Planet of the Apes), de Franklin F. Schaffner. Avec Charlton Heston, Roddy McDowall, Kim Hunter. Sortie le 19 juin.
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Un retour simiesque
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°537 du 1 juin 2002, avec le titre suivant : Un retour simiesque