Avant de prendre la tête des Musées de Berlin, Peter Klaus Schuster a préparé pour eux une grande rétrospective retraçant un siècle d’art en Allemagne. Trois lieux différents ont été nécessaires pour accueillir pas de moins de 600 œuvres, réalisées par 200 artistes, de Kandinsky à Beuys, de Grosz à Baselitz, qui résument cette aventure, avec ses audaces et ses impasses.
En 1906, Hugo von Tschudi, directeur des Musées de Berlin de 1896 à 1909, avait organisé l’Exposition du Siècle, mise en scène par l’architecte Peter Behrens, dans les bâtiments d’origine de la Nationalgalerie. Peut-être Peter-Klaus Schuster, l’actuel directeur, a-t-il eu envie de rivaliser avec son lointain prédécesseur en montant “Le XXe siècle : Un siècle d’art en Allemagne”, répartie entre l’Altes Museum, la Neue Nationalgalerie et la Hamburger Bahnhof. Trois autres lieux, la Kunstbibliothek, le Kupferstichkabinett et le Kunstgewerbemuseum, accueillent des expositions complémentaires.
À l’époque de von Tschudi, on observait un regain d’intérêt pour l’art allemand du XIXe siècle, un chapitre de l’histoire de l’art alors totalement négligé. Et cette “Exposition d’art allemand de 1775 à 1875” a conduit à une réévaluation des artistes romantiques, Caspar David Friedrich en tête. Celle d’aujourd’hui, au contraire, présentera des œuvres créées en Allemagne ou qui ont influencé la création dans ce pays, toutes disciplines confondues. Peter-Klaus Schuster entend montrer “que la scène artistique du XXe siècle est internationale, particulièrement en Allemagne”. Le slogan de Schuster est donc “pays de transit”. En revanche, l’influence de l’art allemand sur la création étrangère n’est pas abordée.
Trois thèmes structurent le propos de l’exposition. Le premier rappelle le rôle fondamental de “l’homme nouveau” en Allemagne. L’art devait participer à sa genèse, soit par la promotion d’une nouvelle société pour la gauche, soit par l’exaltation de la race germanique dans l’idéologie nazie. Intitulée “Le pouvoir de l’art” (Gewalt der Kunst) – “Gewalt” ayant le double sens de “pouvoir” et de “violence” –, cette première partie, dans laquelle on retrouve Oskar Schlemmer (L’escalier du Bauhaus) et George Grosz (Metropolis), est présentée à l’Altes Museum.
La seconde, “Matière et esprit”, à la Neue Nationalgalerie, interroge le rapport de l’art allemand à l’abstraction, à travers la dualité entre matériel et spirituel qui, du Blaue Reiter à Sigmar Polke, caractérise l’art outre-Rhin. Enfin, dans la patrie de Kurt Schwitters, on ne pouvait ignorer les moyens de création développés au XXe siècle, regroupés sous le titre “Collage-montage” et présentés à la Hamburger Bahnhof.
Les commissaires n’ont pas voulu écarter l’art nazi qui, plutôt que comme un cul-de-sac, est envisagé pour sa modernité, notamment dans l’usage des nouveaux médias. Le film de Leni Riefenstahl sur les Jeux olympiques de 1936 voisine avec des œuvres d’artistes comme Herbert Bayer, qui a tenté de réconcilier l’esthétique du Bauhaus avec la propagande nazie, ou le triptyque Quatre éléments du favori de Hitler, Adolf Ziegler.
Peter-Klaus Schuster et son équipe insistent sur le fait que d’autres visions de l’art allemand sont possibles. Des expositions complémentaires sont présentées dans d’autres musées nationaux, en particulier à la Kunstbibliothek, dont l’exposition de livres débute avec l’Almanach de 1911 du Blaue Reiter.
- LE XXe SIÈCLE : Un siècle d’art EN ALLEMAGNE, à Berlin du 4 septembre au 9 janvier. LE POUVOIR DE L’ART, Altes Museum ; MATIÈRE ET ESPRIT, Neue Nationalgalerie ; COLLAGE-MONTAGE, Hamburger Bahnhof ; du mardi au dimanche 10h-18h, vendredi et samedi 10h-20h, tél. 49 30 266 2690/2651.
- Et aussi, du 29 septembre au 9 janvier, LA LISIBILITÉ DE L’ART, Kunstbibliothek ; LA FORME SANS L’ORNEMENT, Kunstgewerbemuseum ; LES VISAGES DU TEMPS, Kupferstichkabinett.
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Un pays de transit
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°87 du 27 août 1999, avec le titre suivant : Un pays de transit