Internet - Musée

Un outil de régulation des flux adopté par les musées

Par Isabelle Manca-Kunert · L'ŒIL

Le 25 juin 2024 - 809 mots

Par la réservation des billets d’entrée sur Internet, les musées régulent l’affluence des visiteurs et le public s’assure d’une visite sereine. Un dispositif gagnant-gagnant.

Les musées les plus courus qui tentaient d’instaurer la réservation de créneaux horaires avant sa systématisation en 2020 ont saisi l’opportunité de la maintenir une fois les contraintes sanitaires levées. « Lorsque les restrictions sanitaires ont été progressivement allégées, la réservation obligatoire s’est muée en réservation vivement recommandée », confirme Delphine Capdepuy, secrétaire générale du Petit Palais. « Le public qui avait retrouvé le chemin des lieux de culture, rassuré par des conditions de visite maîtrisées, avec le moins d’attente possible, a conservé l’habitude de planifier ses sorties au musée comme pour un spectacle où l’on achète sa place à l’avance. Le succès de certaines expositions avait déjà sensibilisé les visiteurs au principe de la réservation pour sécuriser leur entrée et diminuer l’attente. L’habitude persiste, c’est devenu un usage. » Un usage qui fluctue néanmoins en fonction de l’attractivité de la programmation : plus une exposition est identifiée comme importante et attendue, plus le geste de réservation est anticipé. Pour « Le Paris de la modernité, 1905-1925 », un des plus gros succès du Petit Palais qui s’est achevé en avril dernier, 67 % des billets avaient ainsi été réservés en ligne. Pour « Théodore Rousseau », le blockbuster inattendu du printemps, le taux est de 50 %, mais cela peut varier le week-end. Le public qui n’a pas de contrainte d’agenda, et n’est donc pas cantonné aux nocturnes et aux week-ends, a bien compris le confort que lui apporte cette nouvelle pratique. La réservation sur Internet d’un billet horodaté lui permet en effet d’avoir de la visibilité sur la disponibilité des places et de venir au moment le moins fréquenté. « Cela limite l’engouement pour le créneau de 15 heures les samedis et dimanches, même s’il reste parmi les plus attractifs », confirme le Petit Palais.

9 visiteurs sur 10 réservent leur visite du Louvre en ligne

En peu de temps, les visiteurs se sont approprié cette pratique, qui était déjà courante à l’étranger dans les sites les plus touristiques. Au Musée du Louvre qui tentait de faire entrer cet usage dans les mœurs avant la pandémie, le pari est gagné. Sa première expérimentation remonte au déplacement de La Joconde en 2019 dans la galerie Médicis pendant les travaux de sa salle habituelle, la salle des États. À l’époque, de nombreux visiteurs, essentiellement français, avaient manifesté leur mécontentement de ne pas pouvoir accéder de manière spontanée au musée. Après le test lors du déconfinement, cette habitude s’est installée à vitesse grand V puisque, fort de cet engouement, le Louvre ne met désormais en vente que des billets horodatés en ligne. « La crise sanitaire a accéléré le développement de la réservation sur Internet qui concerne aujourd’hui 9 visiteurs sur 10 au Musée du Louvre », confirme l’établissement dont la jauge journalière est de 30 000 personnes. « La grande majorité des visiteurs apprécient la sécurité qu’offre la réservation d’un créneau en ligne qui permet de planifier plus sereinement sa visite. Ce comportement est devenu naturel pour les visiteurs, notamment pour tous ceux qui font un déplacement significatif, en temps ou en distance, pour venir au Louvre. » On observe le même plébiscite au château de Versailles, autre site qui a longtemps souffert du surtourisme. « 80 % des visiteurs individuels qui se rendent aujourd’hui au château ont acheté leur billet en ligne avec un créneau horaire », précise-t-on au château. Comme au Louvre, cette pratique a permis de réduire significativement le temps d’attente du public. « Avec l’horodatage des billets, les visiteurs sont assurés d’entrer dans le château, au plus tard dans la demi-heure suivant leur créneau de réservation. » Une petite révolution par rapport à ce qui se passait auparavant. « Les retours des visiteurs sont très positifs sur le sujet ». Dispositif gagnant-gagnant, l’horodatage permet au public d’être mieux accueilli et aux professionnels de mieux gérer les flux, et d’adapter les conditions d’ouverture.

La gratuité n’empêche pas de devoir réserver 

Le public habitué des musées internationaux le sait : la gratuité n’est pas forcément synonyme d’accès privilégié. Y compris pour les visiteurs munis de cartes professionnelles (presse, Icom) qui doivent parfois contacter les musées plusieurs jours en amont pour être exonérés. En France, la situation est plus simple, même s’il y a des variations d’un site à l’autre. À Versailles, et au Musée du Quai Branly pour les expositions très fréquentées, les visiteurs exonérés doivent réserver un billet gratuit, tandis qu’au Centre Pompidou, les publics en situation de handicap, les titulaires d’une carte professionnelle et les adhérents n’ont pas à réserver. Au Musée d’Orsay, l’entrée libre est garantie aux mêmes personnes, ainsi qu’aux moins de 18 ans, aux 18-25 ans ressortissants de l’Union européenne et aux demandeurs d’emploi. Dans la majorité des sites, les groupes, même s’ils sont constitués de personnes exonérées, doivent en revanche systématiquement réserver un créneau pour des raisons d’organisation.

Isabelle Manca-Kunert

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°777 du 1 juillet 2024, avec le titre suivant : Un outil de régulation des flux adopté par les musées

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