Le Théâtre royal de la Monnaie entame son tricentenaire et dévoile un programme qui dépasse largement la seule musique pour révéler l’étendue du naufrage de ses archives.
BRUXELLES - L’Opéra de Bruxelles est une vieille dame qui, à l’instar de la Scala de Milan, a derrière elle une longue histoire sans bénéficier des moyens de mettre en évidence ce passé. Les archives de la Monnaie n’ont jamais fait l’objet d’un classement véritable, et encore moins d’un archivage consciencieux. Alertée, l’actuelle direction a demandé la création d’un poste d’archiviste afin que ce qui reste des archives puisse être sauvé, et qu’une dynamique soit créée au sein des équipes actuelles pour mettre fin au désastre perpétré sans remords depuis des décennies.
Force est de constater l’état déplorable de la question : aucune politique interne n’a préservé les archives de l’institution, que beaucoup considéraient comme une propriété privée et qui ont souvent fini chez les antiquaires spécialisés. Pillées, les archives étaient aussi soumises aux caprices des directions peu sensibles aux vieux papiers. Heureusement, l’essentiel des archives de la Monnaie relève d’établissements extérieurs, qui se sont chargés de leur conservation sans toujours y apporter l’attention voulue.
La bibliothèque du Conservatoire de musique, les Archives de la Ville de Bruxelles et les Archives générales du Royaume ont conservé une large part du matériel, que viennent compléter d’importantes collections privées.
Conscient de ce passé dévasté, Bernard Foccroulle, directeur du TRM, a accueilli favorablement l’initiative d’un chercheur du Fonds national de la recherche scientifique. Manuel Couvreur, docteur en philologie romane et musicologie, dirige désormais une large équipe pluridisciplinaire, venue de toutes les universités du pays, qui a pour tâche de retrouver un maximum de documents afin de retracer l’histoire de la Monnaie.
Ce travail déborde la simple étude de l’opéra. L’histoire, la sociologie, l’analyse littéraire, la critique, la danse, la vie des troupes, le statut social du théâtre, l’interaction des arts, la présence des peintres, la discographie ainsi que les archives visuelles et sonores… permettront de remonter aux origines de l’institution en livrant nombre de découvertes importantes. La recherche prépare ainsi un tricentenaire multiple et jette les base d’un récolement des documents que Bernard Foccroulle aimerait voir réunis dans un musée qui prendrait place – vers l’an 2000 ? – derrière l’opéra.
Pour l’instant, il s’agit de recomposer la mémoire du théâtre dans la multiplicité de ses modes d’approche. Manuel Couvreur a lancé un programme de recherche original et audacieux qui, à travers une série d’essais pluridisciplinaires, jettera un éclairage précis et documenté sur l’histoire de la Monnaie. Au-delà des cercles spécialisés, le programme de recherche débouchera en l’an 2000 sur une exposition accompagnée d’une monographie de la Monnaie ainsi que sur l’édition d’un triple CD ressuscitant les vieilles voix qui hantèrent l’opéra.
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Théâtre de la Monnaie : des archives sinistrées
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°10 du 1 janvier 1995, avec le titre suivant : Théâtre de la Monnaie : des archives sinistrées