Alors que le nombre de décès est pour l’instant de 3 000, le Maroc commence à mesurer l’ampleur des destructions sur les sites dont certains sont inscrits au patrimoine mondial.
Maroc. Dans la nuit du 8 au 9 septembre, un séisme de magnitude 6,8 a touché le sud du Maroc, un séisme plus puissant que celui d’Agadir en 1960 qui fait office de référence. Marrakech, située à 70 kilomètres de l’épicentre, fait partie des zones affectées par les destructions. La médina de Marrakech (vieille ville) est inscrite au patrimoine mondial depuis 1985, et les premiers constats du bureau régional de l’Unesco pour le Maghreb sont inquiétants. Des monceaux de gravats dans les ruelles, des dizaines de maisons effondrées, notamment dans le quartier juif, et plusieurs minarets de mosquées fissurés : l’Unesco a envoyé, dès le 9 septembre, une mission pour évaluer les dégâts et sécuriser les bâtiments endommagés avec l’aide de partenaires internationaux (Fondation Aliph). D’après des témoignages d’habitants, les remparts qui entourent la médina (XIIe siècle) se sont partiellement effondrés en plusieurs endroits. Comme la plupart des habitations de la médina, les remparts sont construits en terre ce qui explique qu’ils aient mal résisté aux secousses. Un séisme de magnitude 7 dans une zone densément peuplée est toujours une catastrophe majeure, comme en Turquie et Syrie en février 2023, avec des villes détruites à 90 % et près de 60 000 morts.
En comparaison, les dégâts à Marrakech sont limités bien que réels, et les autorités s’inquiètent notamment pour le minaret de la Koutoubia, la grande mosquée datant du XIIe siècle (dynastie almohade). Haut de 77 mètres et construit en briques et grès rouge, ce minaret qui arbore une coupole surmontée de globes métalliques domine le quartier touristique de la place Jemaa El-Fna, lui-même inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco depuis 2008. Des vidéos tournées par les habitants montrent de la poussière s’échappant du minaret au moment du séisme, et le bureau régional de l’Unesco signale que de nombreuses fissures ont été repérées sur le bâtiment. Cependant ce minaret a tenu, contrairement à celui de la mosquée moderne Kharbouch située à proximité, minaret qui s’est effondré sur la place Jemaa El-Fna. Côté musées, la Fondation nationale des musées du Maroc (FNM) signale peu de dégâts, sauf au Musée du tissage et du tapis de Marrakech, ouvert en 2018 : si les pièces textiles ont résisté au séisme, ce n’est pas le cas des collections de céramiques qui sont très endommagées.
Mais Marrakech n’est pas la seule zone où le séisme a touché le patrimoine car, dans le Haut Atlas, la mosquée almohade de Tinmel (XIIe siècle) a été presque entièrement détruite. Chef-d’œuvre du style almohade avec des colonnades et des arches en fer à cheval, cette mosquée en briques rouges était en cours de restauration depuis début 2023, et les ministères de la Culture et des Affaires Islamiques y prévoyaient un nouveau musée en 2024. Le Maroc présente la mosquée à la Liste du patrimoine mondial depuis 1995 et espérait l’obtenir après la restauration ; le ministère marocain de la Culture a annoncé qu’« il va restaurer la mosquée et prévoir un budget » pour ce projet, mais sans donner plus de précision.
Un autre site du Haut Atlas semble avoir été endommagé, le village fortifié d’Aït Ben Haddou, dans la province de Ouarzazate. Construit au XVIIe siècle en pisé, ce village entouré d’une palmeraie était une étape de la route des caravanes et il est inscrit au patrimoine mondial depuis 1987. Les premiers témoignages rapportent que le grenier à grain se serait effondré, et que les maisons et les remparts seraient fissurés – des informations qui restent à confirmer.
Ce séisme fait écho à une autre catastrophe naturelle dans la région, les fortes inondations en Libye, à Derna. Si la situation du patrimoine médiéval et ottoman reste inconnue, les autorités rapportent qu’un quart de la ville a été emporté par les flots et que près de 12 000 personnes sont décédées. Contrairement au Maroc, la Libye ne bénéficie ni de la stabilité politique ni des institutions nécessaires à une politique de reconstruction du patrimoine.
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Séisme au Maroc : un bilan provisoire
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°617 du 22 septembre 2023, avec le titre suivant : Séisme au Maroc : un bilan provisoire