VERSAILLES
VERSAILLES [19.09.15] - Après plusieurs jours de polémique, la justice a tranché: le Château de Versailles doit retirer « sans délai » de la vue du public les tags antisémites inscrits sur la sculpture « Dirty Corner » d'Anish Kapoor installée dans le parc.
Avant même cette décision, l'artiste britannique, aux racines indienne et juive irakienne, qui s'était dans un premier temps opposé au retrait des inscriptions, avait finalement décidé de "masquer" les tags apposés sur son oeuvre. L'intervention pour les dissimuler devrait commencer lundi et durer environ une semaine, a précisé un responsable du Château lors de l'audience au tribunal administratif de Versailles.
La justice a estimé que les inscriptions portaient atteinte à l'ordre public et "en particulier à la dignité de la personne humaine". Le juge a donc "enjoint à la présidente du Château de Versailles de prendre immédiatement toutes mesures propres à faire cesser l'exposition au public" de ces tags.
Surnommée le "vagin de la reine", la sculpture monumentale, une trompe d'acier de 60 m de long à la connotation sexuelle évidente, a été vandalisée trois fois depuis juin, dont deux ces dernières semaines.
Elle a notamment été dégradée le 6 septembre par de grandes inscriptions à la peinture blanche de caractère antisémite.
Le juge des référés avait été saisi vendredi par l'association Avocats sans frontières et un conseiller municipal (DVD) de Versailles, Fabien Bouglé, qui estimaient que ces tags constituaient "une grave violation des libertés fondamentales".
"Ces propos sont condamnables et doivent être retirés de l'espace public", a plaidé lors de l'audience Me Valérie Boisgard, avocate de l'élu et de l'association. "Je ne viens pas dire que le Château de Versailles est antisémite, je dis que le fait de ne pas les retirer est condamnable."
Me Thierry Dal Farra, représentant l'établissement public, a souligné qu'après les dégradations, le Château avait "agi très rapidement, déposé deux plaintes pénales et usé de son influence pour que l'artiste vienne enlever les inscriptions litigieuses". "Nous sommes indignés par ces inscriptions", a-t-il affirmé.
Le Château estimait toutefois qu'il n'avait pas le droit d'intervenir sur l'oeuvre sans l'accord de l'artiste. Douze jours, "c'est le temps qu'on a mis à convaincre M. Kapoor" de masquer ces tags, a-t-il expliqué.
Dans sa décision, le juge des référés a précisé que les mesures prises pour que les tags antisémites ne soient plus visibles "devront être maintenues jusqu'à l'achèvement de l'intervention prévue le lundi 21 septembre en vue de leur occultation définitive".
Après ces dégradations, Anish Kapoor avait reçu le soutien du président François Hollande et de la ministre de la Culture Fleur Pellerin.
Son choix initial de laisser en l'état sa sculpture avait suscité un débat. Certains juristes estimaient que cela pouvait se heurter aux textes réprimant l'antisémitisme, alors que le plasticien avait considéré que désormais "ces mots infamants faisaient partie" de son oeuvre.
Pour la justice, "la liberté de création et d'expression artistiques implique le respect du droit moral de tout auteur sur son oeuvre", mais lorsque celle-ci est exposée publiquement, "cette liberté doit se concilier avec le respect des autres libertés fondamentales".
Depuis les dégradations, de nouvelles mesures de sécurité ont été prises pour protéger l'oeuvre controversée: patrouilles de maîtres-chiens, rondes de police, caméras de surveillance supplémentaires.
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Sculpture de Kapoor à Versailles : la justice ne veut plus voir les tags antisémites
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