Politique culturelle

ANALYSE

Rouen avec ou sans le label

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 29 novembre 2023 - 731 mots

La Ville et la Métropole se sont engagées à augmenter leur budget culture, même en l’absence du label.

Politique culturelle. La candidature pour obtenir le label « Capitale européenne de la culture » (CEC) est souvent l’occasion pour les villes de réfléchir et de formaliser leur politique culturelle avec et, surtout, sans le label. Elles veulent capitaliser sur le travail fourni pour préparer la candidature dans l’hypothèse (statistiquement la plus probable) où elles ne seraient pas CEC. C’est aussi un document officieux destiné au jury afin de lui montrer que la candidature n’est pas une tocade ; au risque que les jurés estiment que la candidature n’apportera pas grand-chose de plus à la politique culturelle de la Ville si celle-ci est déjà conséquente.

Bien conseillée (l’équipe s’est adjoint les services du compositeur et ancien directeur de lieux culturels, Pierre Sauvageot, qui a été membre du jury de sélection entre 2019 et 2021), Rouen s’est pliée à l’exercice en rédigeant les grands axes de sa politique culturelle jusqu’en 2038. Le document coche toutes les cases attendues : sobriété énergétique, inclusion, culture pour tous, parité, diversité (« dégenrer l’espace public »), participation des habitants, soutien aux pratiques amateures, « slow tourisme »… C’est cependant plus un discours de politique générale qu’une feuille de route circonstanciée.

C’est ailleurs qu’il faut avoir plus de détails, en particulier sur les données budgétaires qui restent les meilleurs indicateurs de l’engagement de la collectivité. Le maire, Nicolas Mayer-Rossignol, a ainsi fait voter une délibération sur la trajectoire budgétaire de la culture de la Ville et de la Métropole dont il ressort qu’elle ferait plus que doubler (122 %) en 2028 par rapport à 2022, pour envisager une augmentation de 70 % en 2028 (par rapport à 2022). Sans le label, le budget augmenterait de 41 % en 2028 et de 32 % en 2038.

Si ces chiffres témoignent d’un engagement certain, ils ne donnent pas vraiment la mesure de cet engagement. Ces trajectoires sont des points d’arrivée et ne disent rien des budgets des années précédentes (courbe progressive ou grande marche d’escalier). Et, par ailleurs, ils ne prennent pas en compte l’inflation. Avec une inflation à 1 % par an, le budget Ville et Métropole n’augmenterait en volume que de 17 % en 2038.

Un projet à lui seul va accaparer l’essentiel des budgets de la Métropole : le pôle muséal Beauvoisine. Les travaux de restauration de l’ancien couvent des Visitandines et des deux musées qu’il abrite (le Muséum d’histoire naturelle et le Musée des antiquités) vont absorber 76 millions d’euros entre 2024 et 2028 (1 M€ a été voté pour 2023), dont 7 millions pour le chantier des collections. Les 850 000 objets de la collection vont être transférés dans des réserves à rénover dans une ancienne usine à Déville-lès-Rouen. La réouverture du site est bien évidemment prévue pour 2028.

Un projet avec le Musée d’art moderne de Paris (MAM)

Beauvoisine appartient à la Réunion des musées métropolitains Rouen Normandie, nouvellement dirigée par Robert Blaizeau, qui compte onze musées, mais aucun musée d’art contemporain. Rouen partage avec ses trois autres villes concurrentes le fait de ne pas avoir de musée d’art contemporain. À défaut de construire un musée, le maire envisage de transformer une friche industrielle en lieu d’exposition. Le Chai à vin, construit dans les années 1950 est à l’abandon depuis 1993. Marie-Andrée Malleville, l’élue en charge de la culture à la ville (elle-même ex-galeriste et ex-directrice de centre d’art) confirme que des discussions sont en cours avec le Musée d’art moderne de Paris afin que le musée parisien prête des œuvres et y organise des expositions. La proximité politique entre Anne Hidalgo et Nicolas Mayer-Rossignol n’est sans doute pas étrangère à ce partenariat. Mais avant que le MAM n’y dépose des œuvres, il faut rénover le bâtiment que l’élue souhaite « laisser dans son jus », pour un coût entre 5 et 15 millions d’euros à financer dans le cadre de la candidature.

Un autre projet « art contemporain » dépend de la candidature : la transformation en lieu culturel de l’église désaffectée Saint-Paul dont la Ville ne sait que faire. Elle a bien tenté de céder cette église du XIXe siècle, mais personne n’en veut. Il faut dire qu’elle est mal placée et que les travaux de restauration se chiffrent en millions. Un projet de lieu pluridisciplinaire qui associerait art visuel et musique électro est à l’étude. Le SHED, centre d’art contemporain de Rouen, lui, se cherche toujours un avenir.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°622 du 1 décembre 2023, avec le titre suivant : Rouen avec ou sans le label

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque