Moins de vingt-quatre heures après le vernissage, le 12 février, de la rétrospective « Robert Rauschenberg » présentée conjointement par les trois plus grands musées de Houston, la police du comté de Harris a saisi quinze œuvres de l’exposition de la Menil Collection, en gage des 5,5 millions de dollars de dommages et intérêts accordés par décision de justice à Alfred Kren, conseiller en œuvres d’art à Austin, et à son associée Carolyn Craft, de l’Austin Art Consortium. Les tableaux ont cependant regagné les cimaises pour la durée de l’exposition, le tribunal ayant estimé que le musée disposait du droit contractuel à exposer les œuvres « en toute bonne foi ».
HOUSTON - Erased de Kooning Drawing (1953), Pail for Ganymede (1959), Mother of God (vers 1950) et Scanning (1963) viennent d’être saisis par la police. Les responsables du musée ont disposé de six heures pour décrocher les œuvres, qui ont ensuite été stockées dans un entrepôt municipal. Selon Bill Thompson, porte-parole de la Menil Collection, les policiers ont “consciencieusement sélectionné” les œuvres. “Ils savaient ce qu’ils devaient emporter... C’était très civilisé”.
D’après les documents produits par les avocats d’Alfred Kren et Carolyn Craft, le différend remonte à avril 1997, quand un procès a été intenté contre Robert Rauschenberg, son gestionnaire Darryl Pottorf et la galeriste zurichoise Jamileh Weber. Alfred Kren et Carolyn Craft ont plaidé l’inexécution de contrat, déclarant qu’ils étaient en train de négocier la vente de plusieurs œuvres de Rauschenberg avec Donald Hess, collectionneur et homme d’affaires suisse, lorsque Darryl Pottorf leur avait conseillé de travailler avec Jamileh Weber et de partager les commissions. Alfred Kren et Carolyn Craft affirment qu’ils n’ont jamais perçu la totalité de leur commission lorsque la vente a eu lieu, et que Robert Rauschenberg et Darryl Pottorf ont tenu des propos diffamatoires contre Alfred Kren.
Le 11 septembre 1997, le tribunal a statué en faveur d’Alfred Kren et Carolyn Craft, et sommé Robert Rauschenberg de leur verser l’argent qu’il leur devait. Puis, le 9 janvier, il a rendu un jugement aux termes duquel tout bien appartenant à Robert Rauschenberg et se trouvant au Texas devait être saisi “immédiatement”. Cependant, selon le commissaire adjoint J.C. Mosier, les avocats d’Alfred Kren et de Carolyn Craft n’ont signifié le jugement à la police que le matin même du vernissage. Les policiers se sont donc présentés sur les lieux quelques heures plus tard. Pour Eric Taube, l’avocat des plaignants, “l’Austin Art Consortium et Alfred Kren ont fait tout ce qu’ils ont pu pour éviter d’en arriver là. En ignorant le problème, Rauschenberg n’a fait que l’amplifier”.
Pourtant, Theodore Kheel, l’avocat de Robert Rauschenberg, a déclaré au New York Times que la saisie des œuvres était “un moyen de précipiter le règlement de l’affaire. Nous sommes face à un jugement par défaut, et j’insiste sur le mot ‘défaut’. Rauschenberg n’a pas reçu d’assignation. Nous n’avons jamais réussi à obtenir une audience. Tout ce que nous demandons, c’est une audience au tribunal”. L’artiste s’emploie actuellement à obtenir la cassation du jugement.
Certains ont d’abord craint que les œuvres confisquées soient vendues aux enchères par le Palais de Justice du comté de Harris. L’un des policiers présents lors de la saisie a même confié à Paul Winkler, directeur de la Menil Collection :”On vous enverra une invitation. Vous savez, on peut vraiment faire de bonnes affaires”. L’avocat de Robert Rauschenberg à Houston, Neal Manne, a pour sa part plaidé le vice de procédure. Il a en effet déclaré que les œuvres saisies n’appartenaient pas à l’artiste, mais à une société de Floride, Untitled Press, Inc., dont Robert Rauschenberg est actionnaire.
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Robert Rauschenberg reste saisi
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°56 du 13 mars 1998, avec le titre suivant : Robert Rauschenberg reste saisi