Tranquillement installé dans l’Eurostar, il est plongé dans la lecture d’un livre sur l’histoire des Balkans, Le Pont sur la Drina d’Ivo Andric.
Il vient d’en terminer un autre sur la guerre en Bosnie, curieux d’en savoir un peu plus sur cette contrée parce qu’il a un projet à Belgrade. Tous les quinze jours, Richard Deacon quitte ainsi Londres, où il vit et travaille, pour se rendre à Paris, où il enseigne à l’École nationale supérieure des beaux-arts. Depuis onze ans qu’il fait le trajet, il apprécie particulièrement ce temps du voyage qui lui permet de rattraper tout un lot de lectures laissées de côté.
« Ce sont les gens qui m’intéressent, pas la technique »
Figure majeure de ce qu’on a appelé dans les années 1980 « la nouvelle sculpture anglaise », Richard Deacon, né en 1949, est originaire du pays de Galles. Son art qui joue des pleins et des vides en appelle à des matériaux aussi divers que le métal, le bois, le linoléum et la céramique. Longtemps curieux des mécanismes internes et structurels qui règlent une forme, il s’applique davantage aujourd’hui à construire la relation qui la gouverne entre intérieur et extérieur.
Quoique Deacon fasse volontiers des œuvres monumentales, l’atelier qu’il occupe à Herne Hill, au sud de la capitale britannique, n’a rien de gigantesque. L’artiste travaille d’ailleurs le plus souvent en direct chez ses fabricants parce que « ce sont les gens qui [l]’intéressent, pas la technique ». Si cette déclaration peut surprendre de la part d’un sculpteur qui a toujours pris soin de laisser voir les traces du travail, c’est que Richard Deacon est quelqu’un de l’échange, particulièrement sensible à l’idée de contact, d’empathie. Que ce soit avec les êtres ou avec la matière. C’est ce qui l’intéresse dans l’enseignement : la possibilité de se confronter aux idées de l’autre, de débattre avec lui pour se nourrir et se construire.
Fidèle à ses marchands de la première heure
Sculpteur à part entière, Deacon insiste pour dire qu’il est un artiste nomade. De fait, il l’est tant dans ses déambulations géographiques que dans ses investigations matérielles. Non seulement il partage son temps entre Paris et Londres, mais il se rend aussi à Cologne où il travaille dans l’atelier de céramique de Thomas Schütte. L’usage de la céramique qui sous-tend celui de vernis l’entraîne à employer la couleur en qualité soit de motif, soit de simple couverte monochrome, soulignant les relations existant entre couleur et forme, l’une contribuant à unifier l’autre. Depuis peu, Deacon a par ailleurs expérimenté un autre type de travail qui procède de dessins exécutés directement sur le mur.
Artiste nomade, Deacon n’en est pas moins fidèle à ses marchands de la première heure : il travaille depuis 1983 avec la Lisson Gallery de Londres et, depuis 1986, avec Marian Goodman à New York. Représenté par Thaddaeus Ropac à Paris et Thomas Schütte à Berlin, Deacon sera l’invité fin 2010 du musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg. Autre marque de fidélité, de Joëlle Pijaudier-Cabot cette fois-ci, directrice des musées de la capitale alsacienne, qui avait fait de l’œuvre du sculpteur une mémorable exposition quand elle était à la tête du musée de Villeneuve-d’Ascq. Rendez-vous.
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Richard Deacon Sculpteur nomade
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°613 du 1 mai 2009, avec le titre suivant : Richard Deacon Sculpteur nomade