Un partenariat inédit entre artistes et entreprises a été officialisé en Touraine sous l’égide d’un centre d’art.
TOURS - « Touraine, l’énergie du bien-être. » Derrière cette formule aussi choc que le slogan de « La force tranquille », se profile l’association Projets pour la Touraine dont le but est de promouvoir les richesses économiques, touristiques et culturelles de la région. L’organisation cherche notamment à favoriser une relation « productive » entre le monde de l’entreprise et celui de l’art. Lancé en 2002 à l’initiative conjointe de l’association et du Centre de création contemporaine (CCC) de Tours, le programme « Artistes Entreprises » a été officialisé le 1er octobre par le ministre de la Culture, et non moins tourangeau, Renaud Donnedieu de Vabres. Cette charte associe sept artistes à autant de sociétés pour la réalisation d’une œuvre « questionnant le champ de l’entreprise ». Deux premiers projets ont été mis sur les rails en 2002. La société Médipréma, leader en France sur le marché des incubateurs pour nouveau-nés, s’est alliée à l’artiste norvégien Per Barclay. De son côté, Proludic, concepteur d’équipements pour espaces de jeu, s’est uni à Alain Bublex pour un projet à tiroirs multiples. Cinq autres couples ont été récemment formés (1).
Réparties sur l’ensemble de la région, les sociétés candidates relèvent aussi bien de l’industrie, de la logistique que du service. Le casting des artistes opéré par Alain Julien-Laferrière, directeur du CCC, tient compte des sensibilités des créateurs et du savoir-faire des entreprises. Une alchimie dont le centre d’art a le secret puisqu’il fait souvent appel aux entreprises pour la production d’œuvres par le biais de l’Agence d’artistes, créée en 1997 à cet effet. La pièce lumineuse en barisol d’Orlan, présentée en mars à Tours, a ainsi été financée pour 42 000 euros par la firme mulhousienne Normalu.
La démarche d’Artistes Entreprises relève plus du maillage économique de la région par un club d’entreprises que du mécénat. Une strate supplémentaire que rajoute le ministre de la Culture en rappelant que l’entreprise peut acquérir la pièce produite selon les modalités de la loi sur le mécénat du 1er août 2003. On est encore à l’ère des préliminaires, où entreprises et artistes se jaugent avec une bonhomie teintée de questionnements. La rencontre des deux univers suppose de remiser les a-priori. « Avant de rencontrer Per Barclay, j’avais peut-être une idée étroite de l’artiste », confie Pascale Freidel, directrice générale de Médipréma. La « faiseuse » Cécile Pitois et le « pragmatique » Alain Château, P.-D. G. de Gault & Frémont, semblent d’emblée sur la même longueur d’onde. L’entreprise peut d’ailleurs être une source d’inspiration aussi fertile qu’une autre. « Il existe dans l’entreprise des situations intéressantes pour un artiste qui peut récupérer une matière visuellement riche », souligne François Cholet, initiateur du programme au sein de Projets pour la Touraine. « L’entreprise, c’est l’hacienda des situationnistes, un monde mystérieux et fascinant pour l’artiste », renchérit Alain Julien-Laferrière. Mais les écosystèmes et les enjeux des deux univers n’en restent pas moins différents. La valeur ajoutée en communication interne guide souvent les sociétés. « Il ne faut pas s’ôter de la tête qu’on a des obligations économiques et opérationnelles en tant que chef d’entreprise. Cette affaire doit être un apport supplémentaire que l’on peut utiliser en communication interne », déclare Bernard Estivin, président du directoire de la société Estivin. « Le partenariat entreprise-artiste ne doit pas se limiter à un partenariat chef d’entreprise-artiste, précise Denis Le Poupon, directeur de Proludic. Dans une entreprise, on trouve peu d’occasions de faire quelque chose d’extraordinaire. En voici une qui peut fédérer les employés sur un projet qui n’est pas industriel ou commercial et les rendre fiers de leur entreprise. » Ce dernier regrette toutefois que le monde artistique manque de planification, alors qu’en entreprise le résultat prime. Des trois projets lancés avec Alain Bublex, le plus complexe, estimé autour de 75 000 euros, tarde à voir le jour.
Pérennisation, généralisation
La plupart des entreprises signataires de la charte ne savent pas encore si leur engagement se poursuivra sur d’autres projets, ni s’il se soldera par un achat. Rares sont celles à avoir déjà défini un budget pour la réalisation des œuvres. Le programme Artistes Entreprises a pourtant vocation à se pérenniser. D’après Alain Julien-Laferrière, dix autres sociétés sont tentées par l’expérience. L’idée est aussi d’étendre l’initiative régionale à une échelle nationale. Comme le rappelle Renaud Donnedieu de Vabres, « les entreprises ont un rôle de premier plan à jouer dans le marché de l’art. » Un apostolat dont les centres d’art peuvent se faire le relais.
(1) Cécile Pitois et Gault & Frémont, Barthélémy Toguo et Estivin, Fabien Verschaere et Plastivaloire, Stefan Nikolaev et Actiforces, Thierry Mouillé et le château du Rivau.
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Quand les entreprises ouvrent leurs portes aux artistes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°201 du 22 octobre 2004, avec le titre suivant : Quand les entreprises ouvrent leurs portes aux artistes