Depuis quelques années, les écoles d’art multiplient les activités parallèles à l’enseignement proprement dit. Presque toutes disposent d’un lieu d’exposition qui se professionnalise peu à peu, et plusieurs d’entre elles se sont lancées dans l’édition. Ces activités à vocation pédagogique ont aussi pour objectif d’intégrer les écoles dans le milieu de l’art et d’y confronter leurs étudiants le plus tôt possible.
Le développement des espaces d’exposition dans les écoles est inversement proportionnel aux menaces qui pèsent sur les centres d’art et aux nombreuses fermetures de galeries privées. Ces lieux autrefois marginaux acquièrent une légitimité et sont même recherchés par les artistes.
"J’y présente mon travail aux étudiants et je vais participer à un atelier avec eux autour d’un sujet que je définirai", explique Frédérique Lucien, qui exposait en février à la Box, gérée par l’école de Bourges. L’objectif de ces espaces d’exposition est, comme l’appel aux enseignants-artistes, d’amener l’art contemporain à l’école.
Ces lieux font aussi fonction de centres d’art dans les régions peu équipées, comme La Box ou l’Aquarium à Valenciennes. À l’Aquarium, la programmation a été rigoureusement définie autour de deux axes qui viennent en complément de l’enseignement. "C’est un lieu pédagogique et un lieu en marge, qui permet aux artistes de prendre des risques comme lors de la dernière exposition de Jean-Marc Bustamante ou celle d’Ange Leccia", souligne Antonio Guzman qui dirige l’école de Valenciennes. Mais le risque existe de voir l’activité d’exposition phagocyter l’école, comme cela s’est produit à la Villa Arson de Nice.
Chaque école envisage sa galerie différemment, souvent en fonction du contexte local. À Marseille, la galerie est située en centre ville et ne montre que les travaux des étudiants, notamment ceux de cinquième année et ceux des post-diplômes. Angers aussi favorise la promotion interne en organisant une exposition par an avec un professeur de l’école.
D’autres écoles cherchent à associer les étudiants à la réalisation des expositions. À Angers, elles donnent parfois lieu à de petits concours de scénographie, le projet choisi étant réalisé. À Bordeaux, la programmation de la galerie Le Triangle est confiée à un étudiant.
Livres et revues
Les expositions débouchent souvent sur des publications. Mais des écoles ont également développé un véritable secteur éditorial. Valence publie une collection intitulée "222", ouverte aux artistes invités à l’école. Annecy a créé une association qui est une petite maison d’édition. "Nous avons plusieurs collections, dont une de livres d’artistes et une autre d’histoire de l’art. Par ailleurs, nous éditons des catalogues, comme celui de l’exposition édouard Payot", explique Daniel Busto, responsable de cette antenne qui fonctionne essentiellement avec l’aide de la Ville. Mais ceci ne concurrence pas le secteur privé qui, de toute façon, ne "se lancerait pas dans ce type d’ouvrages".
L’école de Lyon fait pour sa part un échange marchandise avec la Réunion des musées nationaux (RMN), dont elle abrite l’antenne éditoriale régionale. Ce système lui permet de bénéficier de conditions avantageuses pour ses publications puisque la RMN passe des marchés importants avec des imprimeurs. Mais la situation n’est pas toujours florissante. À Angers, l’école a dû mettre en sommeil ses activités éditoriales, et notamment ses éditions d’estampes, faute de crédits. Pourtant, elle a été à l’origine de l’ouvrage publié aux éditions Sens-Tonka sur La ville-plaisir.
Les écoles ne se contentent pas du livre, elles éditent aussi des revues. À l’origine se trouve Interlope, éditée à Nantes, qui propose son quatorzième numéro. Le cycle de design de l’école de Saint-Étienne édite depuis 1991 Azimut. Distribuée par abonnements et tiré à 5 000 exemplaires, Azimut bénéficie notamment des subventions du Centre Rhône-Alpes du design et d’entreprises locales.
Même ambition à Valence avec la revue Une fois une, qui prolonge les activités de l’école et publie des contributions très variées. "Nous sommes une revue composite, dégagée des impératifs du marché", précise Yves Robert, directeur de l’école. Plus modeste, mais tout aussi dynamique, l’école de Cergy-Pontoise édite L’Inconvénient, une revue entièrement réalisée par les étudiants et tirée à 300 exemplaires, distribués dans les autres écoles d’art. Espace d’expression à la disposition d’étudiants travaillant sur l’écrit et la littérature, les contributions sont entièrement libres.
Balthazar Burkhard, du 7 au 29 mars à la Box, tél. : 48 24 78 70.
Azimut n° 10, "Le design à l’Est", tél. : 78 47 88 00.
Une fois une n° 3, parution en mars, tél. : 75 79 24 00.
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Quand l’école se fait éditeur et galeriste
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Abonnez-vous dès 1 €L’Inspection générale de l’enseignement artistique (IGEA) mène actuellement une réflexion autour des " étapes " successives du diplôme national supérieur d’expression plastique (DNSEP) : une année de propédeutique est à l’étude ; le contrôle continu des acquisitions des deuxième et troisième années pourrait être sanctionné par l’attribution de vingt unités de valeur, celui des quatrième et cinquième années par l’attribution de dix unités de valeur.
Une enquête sur le devenir des étudiants sortis des écoles d’art est en préparation. En attendant, 653 questionnaires ont été adressés à la totalité des titulaires du DNSEP passés par les écoles de Nantes, Lyon, Bourges et Limoges, entre 1985 et 1995. Sur les 413 réponses reçues (63 %), 376 (79 %) ont une activité professionnelle, 63 (15,3 %) sont au chômage, et 24 (5,7 %) poursuivent des études ou sont " inactifs ". Parmi les actifs, 232 (71,2 %) déclarent exercer une activité artistique ou para-artistique, le plus souvent en rapport direct avec la formation reçue (arts plastiques, design, artisanat d’art, décoration, stylisme, publicité, infographie, audiovisuel, concepteurs multimédia, etc.), 67 (20,5 %) se consacrent à l’enseignement (collèges, lycées, écoles d’art, institutions diverses), et 27 (8,3 %) ont une activité sans rapport avec l’art.
La prochaine édition de " Germinations ", biennale regroupant de jeunes artistes principalement issus des écoles d’art européennes, sera inaugurée en Tchécoslovaquie cet automne, avant de faire étape en France (avec le soutien de la Délégation aux arts plastiques) et au Luxembourg en 1997. Née au début des années quatre-vingt, la manifestation présentera des œuvres réalisées en workshop dans trois lieux européens : Budapest, Delphes et Oronsko.
Le Guide des écoles d’art et des stages 1996-1997, hors série de la revue Artistes, la revue technique des arts, éditée avec le concours de la Sema, vient de paraître (700 écoles, 150 p., 48 francs, vendu en kiosque).
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°23 du 1 mars 1996, avec le titre suivant : Quand l’école se fait éditeur et galeriste