Deux ans après leur naissance, les emplois-jeunes semblent rencontrer le succès escompté. Secteur développé mais aux moyens souvent insuffisants, la Culture profite du financement offert par l’État. Mais au-delà de l’aide quinquennale, la pérennisation de ces emplois reste un sujet épineux : subvention nécessaire ou découverte de nouveaux métiers viables ?
Coopérative de cinéma expérimental, Light Cone est chargée de la conservation et de la diffusion de 1 600 films mis en dépôt par leurs auteurs. Depuis quelques années, l’association fondée en 1982 connaît une forte expansion. “Embaucher un emploi-jeune est la solution idéale. Plus honnête qu’un contrat emploi-solidarité, cette formule nous permet d’engager des gens qualifiés. L’objectif est évidemment d’accompagner notre développement en pérennisant ces postes”, explique Miles Mc Kane, fondateur de Light Cone. Outre un médiateur culturel et un agent de développement du patrimoine cinématographique, Géraldine vient d’être engagée afin de gérer les droits des artistes ou les différentes utilisations des films, “comme leur édition sur support numérique”. La structure se donne ainsi le temps de viabiliser ses nouvelles activités, avant de pouvoir les autofinancer.
Initiatives isolées ou accords-cadres passés au niveau national, le ministère de l’Emploi estime aujourd’hui à 20 000 le nombre de contrats emplois-jeunes dans la Culture. Les Directions régionales des Affaires culturelles (Drac), elles, en comptabilisaient 9 790 en mai 1999. Cette fourchette – 10 à 20 000 emplois – rejoint l’estimation établie en 1997 par Bernard Poignant, maire (PS) de Quimper, dans son rapport sur la mise en œuvre de la loi Aubry dans les domaines de la Culture et des nouvelles technologies de la Communication.
Ainsi, en 1998, la Fédération des Écomusées et Musées de société, regroupant associations et lieux dépendants de collectivités territoriales, s’est engagée sur la création de 150 emplois par ses membres. Conservation, documentation, accueil du public, démonstrations sont autant d’activités exercées par les cinq nouvelles recrues de l’Écomusée de la région Fourmies-Trélon, auxquelles devraient bientôt se joindre six ou sept nouveaux emplois-jeunes. Marc Goujard, son directeur, estime que “ces embauches s’inscrivent dans la professionnalisation des structures” de l’établissement et qu’à terme, la “pérennisation de ces emplois est envisagée en partenariat avec les collectivités locales”.
Pérenniser et former
La prolongation de ces postes au-delà de l’aide quinquennale est évidemment le principal problème. Dans les collectivités territoriales, la majorité de ces contrats sont à durée déterminée (cdd de 60 mois), mais “au bout de quatre ans, la personne peut prétendre aux concours internes”, rappelle Romaric Matagne, en charge de la cellule emploi-jeune constituée par la Drac de Provence-Alpes-Côte d’azur. Selon lui, les associations, qui accueillent 55 % des 805 “emplois culturels” créés au 30 juin dans la région, semblent montrer “une volonté de pérennisation en privilégiant les contrats à durée indéterminée” (cdi). À terme, la fonction idéale de l’emploi-jeune est de révéler un besoin non satisfait et de créer les conditions de son financement. En Bretagne, l’Institut régional du patrimoine (Irpa) suit une soixantaine d’emplois-jeunes, évalue les nouveaux besoins, les emplois émergents et les possibilités de formation de ces nouveaux venus sur le marché du travail. Chargée du dossier, Patricia Barthélémy observe le large éventail des emplois exercés, “de la maintenance à la direction”, et le niveau élevé d’études des nouvelles recrues, “majoritairement titulaires d’une licence ou d’une maîtrise” – constante dans le secteur culturel. “Ce qui n’empêche pas une demande de formation, courte et précise, de type professionnel”, point faible de l’université. Mais cursus élevé ne rime pas avec salaire conséquent, “ceux-ci, de 10 à 20 % supérieurs au Smic, peuvent toutefois évoluer dans le cadre des conventions collectives”. À quelques exceptions près, cette faible rémunération semble toutefois être la règle. Pour la Caisse nationale des Monuments historiques, le salaire de ses sept emplois-jeunes, dont cinq chargés des relations avec le tourisme, doit s’“appuyer sur les perspectives de développement et évoluer en relation avec la qualification des intéressés”.
L’action culturelle trouve un financement
Le contact avec le public s’affirme comme le principal vecteur d’embauche, même si, trente ans après son développement, parler de l’action culturelle comme d’un “nouveau service” est pour le moins paradoxal. En fait, des mi-temps sont parfois réembauchés à plein temps, sous une nouvelle appellation. C’est le cas de Xavier, étudiant en doctorat, responsable de la médiation et de l’accueil des scolaires dans un centre d’art. Intéressé par les possibilités ouvertes par le contrat emploi-jeune, il n’est pas dupe pour autant : “C’est aussi une bonne méthode pour avoir une subvention”. Reste que pour de nombreuses structures, le financement accordé par l’État donne enfin la possibilité de proposer ces services au public. Cette situation est accentuée dans les lieux et les institutions consacrés à l’art contemporain. La Délégation aux Arts plastiques (Dap) estime que sur les 113 créations d’emplois comptabilisées au 1er juillet dans les Fonds régionaux d’art contemporain (Frac), centres et écoles d’art, les trois quarts occupent des fonctions de médiation. Par exemple, les deux emplois-jeunes de l’Espace de l’art concret de Mouans-Sartoux sont chargés du site Internet et de l’atelier éducatif. Selon la Dap, les 420 lieux de diffusion de l’art contemporain répertoriés dans le guide Actions/publics pour l’art contemporain offrent autant d’employeurs potentiels. Professionnaliser et consolider ces postes est aujourd’hui l’objectif principal des différents acteurs ; d’ailleurs un Répertoire des compétences dans le domaine de la médiation de l’art contemporain est actuellement en cours d’élaboration.
Représentant en moyenne 4 % des dépenses des ménages français, le secteur culturel semble donc être le “gisement d’emploi” espéré par Martine Aubry et ses conseillers. Mais seule leur pérennisation par les employeurs signifiera la réussite du plan gouvernemental. Actuellement, les 10 000 emplois-jeunes recensés par la rue de Valois ne font que confirmer la demande de moyens du secteur culturel, aujourd’hui en partie satisfaite par l’aide de l’État.
Quelle aide ? Non limité, le salaire des emplois-jeunes est pris partiellement en charge par l’État, qui verse une somme équivalent à 80 % du Smic. Qui est concerné ? Collectivités territoriales, établissements publics et associations privées à but non lucratif sont susceptibles de bénéficier de ce dispositif. La Direction départementale du travail ou la Préfecture disposent des dossiers nécessaires. Quant aux Drac, elles peuvent fournir une aide dans le déroulement de la démarche. Les futurs employés doivent avoir entre 18 et 26 ans, ou être âgés de moins 30 ans s’ils n’ont jamais ou peu travaillé.
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Pour que jeunesse se passe
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°87 du 27 août 1999, avec le titre suivant : Pour que jeunesse se passe